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En Norvège, le droit à l’IVG victime de manœuvres politiciennes

La première ministre conservatrice Erna Solberg propose de durcir la législation sur l’avortement, ce qui lui permettrait d’obtenir les voix des chrétiens-démocrates nécessaires au maintien de son gouvernement.

Par  (Malmö (Suède), correspondante régionale)

Publié le 19 novembre 2018 à 09h39, modifié le 19 novembre 2018 à 15h08

Temps de Lecture 3 min.

A Oslo, le 10 octobre, les Norvégiens ont défilé pour protester contre toute modification de la loi sur l’IVG.

Le 6 novembre, la « mère de la nation » norvégienne, Gro Harlem Brundtland, 79 ans, est sortie de son habituelle réserve. Incapable de se contenir plus longtemps face au débat « déshonorant » sur l’IVG qui vient de refaire surface en Norvège. Dans un courriel adressé au journal VG, l’un des principaux quotidiens du pays, l’ancienne première ministre travailliste, qui a dirigé le pays pendant près de dix ans, fustige « le double jeu indigne » de l’actuelle chef du gouvernement, la conservatrice Erna Solberg. En cause : sa récente proposition de durcir la loi sur l’IVG.

Sans les voix des huit députés chrétiens-démocrates au Parlement, le gouvernement de la conservatrice Erna Solberg est condamné.

Ce n’était pas une de ses priorités. Elle l’est devenue quand le chef de file des chrétiens-démocrates, Knut Arild Hareide, a annoncé, fin septembre, qu’il souhaitait que son parti quitte la majorité de droite, pour rejoindre les travaillistes et former « un gouvernement ayant le plus de poids possible au centre ». Depuis plusieurs années déjà, le torchon brûle entre le leader chrétien-démocrate et les populistes du Parti du progrès (FrP), partenaires des conservateurs au gouvernement qui multiplient les provocations sur l’islam et l’immigration.

Pour Erna Solberg, l’enjeu est énorme : sans les voix des huit députés chrétiens-démocrates au Parlement, son gouvernement est condamné. C’est ainsi que, mi-octobre, la première ministre sort de son chapeau la proposition qui va lui redonner la main, incitant non seulement les chrétiens-démocrates, réunis en congrès le 2 novembre, à voter le soutien à son gouvernement, mais également à envisager d’y siéger, forçant Knut Arild Hareide vers la sortie.

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En échange de leurs voix, Erna Solberg se dit prête à un durcissement de la loi sur l’IVG. Plus précisément, elle propose de revoir deux dispositions critiquées par les chrétiens-démocrates. D’une part, la possibilité d’avoir recours, jusqu’à la douzième semaine, à la réduction embryonnaire en cas de grossesse gémellaire – interdite dans de nombreux pays. D’autre part, le paragraphe 2c de la loi, qui autorise l’avortement tardif, au-delà de dix-huit semaines, en cas de « danger de maladie grave pour l’enfant ».

Reprenant l’argumentaire chrétien-démocrate, la première ministre s’élève contre le risque d’une « société de triage », où l’avortement est utilisé comme outil de sélection. Elle juge « discriminatoire » le paragraphe 2c, rebaptisé « Downs-paragrafen » – « paragraphe de Down », en référence à la trisomie 21 –, et propose de limiter l’IVG aux cas où « l’enfant ne serait pas viable à la naissance ». En 2017, 287 Norvégiennes ont subi un avortement tardif, sur la base du paragraphe 2c : 117 embryons présentaient une anomalie chromosomique, 59 étaient porteurs de la trisomie 21, 62 souffraient d’une insuffisance cardiaque et 35 avaient une anomalie neurologique.

Déterminée à ne pas effaroucher les chrétiens-démocrates tentés de la rejoindre, l’opposition de gauche s’est d’abord maîtrisée, avant de laisser éclater sa colère. Ainsi, face au ministre de la santé conservateur qui affirme, « en tant qu’homosexuel », comprendre la difficulté d’appartenir à une minorité – une allusion aux personnes trisomiques –, la porte-parole des travaillistes chargée de la politique de la famille s’insurge qu’un « homme politique, puissant, puisse faire un choix qui prive les femmes du droit de décider ».

Victimes collatérales de la polémique, les familles ayant interrompu une grossesse ou bien l’ayant menée à terme malgré les risques s’offusquent d’être prises en otage dans le débat « à des fins politiciennes » – les parents d’enfants trisomiques notamment. « Encore une fois, l’avortement est le premier mot qui est associé au diagnostic de mon enfant », dénonce ainsi Randi Ødegaard, présidente du Réseau norvégien du syndrome de Down.

En signe d’apaisement, Erna Solberg assure que d’éventuelles modifications de la loi « n’auront pas de grande signification » et ne remettront pas en cause le libre choix des femmes. Sans convaincre. Le 29 octobre, une première manifestation pour la défense du droit à l’IVG avait réuni 2 000 personnes à Oslo. Un nouvel appel à manifester a été lancé pour le 17 novembre. Les organisateurs espèrent cette fois rassembler 10 000 personnes.

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