Livraison : les robots entrent dans la course

LE PARISIEN WEEK-END. Fini les gros camions de livraison, polluants et encombrants. La ville de demain pourrait mettre à l’honneur des robots-coursiers. Start-up et grands constructeurs automobiles planchent aujourd’hui sur ce type de véhicules autonomes.

EZ-Pro, le prototype de Renault, fonctionne comme une suite de wagons autonomes se reliant pour former un train.
EZ-Pro, le prototype de Renault, fonctionne comme une suite de wagons autonomes se reliant pour former un train. EZ-Pro

    « Lundi, mardi... le facteur n'est pas passé ! » Faudra-t-il bientôt adapter la célèbre comptine, alors que les premiers robots- coursiers pointent le bout de leur capot ? A San Francisco, en Californie, la start-up Starship Technologies a développé un petit engin autonome à six roues, équipé de neuf caméras, capable de circuler à une vitesse maximale de 6 kilomètres/heure et de livrer jusqu'à 10 kilos dans un rayon de 5 kilomètres.

    Utilisé par des entreprises de livraison comme DoorDash, il alimente déjà en repas plusieurs villes de la Silicon Valley. Un petit SMS à l'arrivée, et le client déverrouille la trappe à l'aide du code reçu. Il n'a plus qu'à se pencher pour prendre sa pizza encore toute chaude.

    Lancée en 2014 par les cofondateurs de Skype, cette société a levé en juin dernier 25 millions de dollars (22 millions d'euros). Son rival, Nuro, installé quelques kilomètres plus loin, à Mountain View, doit tester cet automne sa navette autonome consacrée à la livraison, R1, à Scottsdale (Arizona), qui déposera chez les clients les courses commandées au supermarché de la ville via une application mobile.

    En janvier 2018, l'entreprise avait récolté près de 92 millions de dollars auprès d'investisseurs, signe du potentiel de ce type de véhicule, moins polluant et encombrant que le traditionnel camion de livraison.

    Du plat congelé au matériel de bureau

    Mais les constructeurs automobiles ne veulent pas laisser ce marché prometteur aux pépites de la Silicon Valley. Eux qui ont fait de la voiture autonome l'axe principal de leurs recherches voient en elles autant un mode de transport de personnes que de marchandises.

    Le groupe français Renault a présenté, en septembre dernier à Hanovre (Allemagne), son prototype EZ-Pro, avant de l'exposer au Mondial de l'automobile, à Paris. A la façon d'un train de plusieurs wagons, EZ-Pro se conçoit comme une flotte de petits véhicules autonomes électriques, configurables à volonté et capables de se faufiler en milieu urbain, très dense. L'objectif : transporter, sur de courtes distances, toutes sortes de produits, du plat congelé au menu de food truck, en passant par le matériel de bureau ou le pressing.

    Dans ce convoi sans pilote, l'homme aura encore sa place. « Si vous faites porter des fleurs à votre maman, vous préférez qu'on lui remette en mains propres que lui faire descendre six étages pour les chercher dans un casier. C'est pourquoi une présence humaine reste nécessaire. C'est une technologie au service des métiers, non un substitut », affirme Philippe Divine, le directeur de la stratégie véhicules utilitaires chez Renault.

    Un concierge supervise l'ensemble

    Alors que le e-commerce explose et que les pouvoirs publics cherchent à assainir les centres-villes, Renault fait donc le pari de la modularité. « La livraison urbaine est diverse, vous ne livrez pas du poisson dans le même véhicule que le pressing, explique Philippe Divine. En convoyant plusieurs containers interchangeables à la suite, on limite les problèmes de congestion. »

    Le véhicule de tête, dit « pod leader », sert de cabine de contrôle où, au besoin, le « concierge », qui supervise l'ensemble des opérations, peut reprendre la main. A sa suite, plusieurs autres véhicules identiques – des AGV (« automatic guided vehicles ») dans le jargon – d'un volume total de 12 mètres cubes, pour 2 tonnes d e charge utile, peuvent se « coller » les uns aux autres, avant que chacun, en fin de course, quitte le convoi pour assurer, de manière autonome, son propre itinéraire sur le dernier kilomètre.

    Pour la production industrielle de ce concept au design un peu futuriste, le constructeur a fixé l'échéance à 2030. Histoire notamment que le cadre réglementaire puisse s'adapter à ces nouveaux services innovants. « La technologie existe, on le démontre. Elle doit désormais aider à renouveler la vision de la mobilité dans les villes de demain. Cela demandera un peu de temps avant d'être effectif », conclut Philippe Divine. Assez pour permettre aux livreurs d'apprendre un nouveau métier.

    A L'AEROPORT AUSSI

    • Grâce à sa technologie permettant d’automatiser direction, freinage et accélération, EasyMile développe depuis plus d’un an, en partenariat avec TLB (spécialisé dans les équipements d’assistance aéroportuaire), un tracteur de manutention autonome et entièrement électrique.
    • Haut de 2,05 mètres pour 3,20 mètres de longueur et 1,84 mètre de largeur, fort d’une traction de 25 tonnes, le TractEasy doit notamment permettre de transporter les valises de voyageurs sur le tarmac, sans conducteur ni émission de C02.
    • La start-up toulousaine croit également à la réduction des taux d’accident. Les premiers tests, au printemps dernier, sur le site industriel de PSA à Sochaux, se sont révélés concluants et devraient ouvrir la voie à l’industrialisation du prototype dans les prochains mois. Pour ce faire, EasyMile a bouclé une levée de fonds totale de 34 millions d’euros en septembre.