Ils avaient été jetés vivants dans des crevasses

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ItalieIls avaient été jetés vivants dans des crevasses

Des milliers d'Italiens ont été tués à Trieste à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sorti en Italie, un film pointe du doigt les partisans de Tito et électrise les réseaux sociaux.

Pendant des décennies, l'Italie a oublié les milliers de victimes des massacres commis à la frontière yougoslave à la fin de la Seconde Guerre mondiale. «Red Land - Rosso Istria», sorti la semaine dernière en Italie, veut leur rendre justice.

Évoquant des faits longtemps commémorés par les seuls néofascistes, le film tente de rendre compte de la complexité de ce drame. Il a provoqué de fortes réactions sur les réseaux sociaux.

Nettoyage ethnique

Entre 1943 et 1947, 5000 à 10'000 Italiens - selon les estimations des historiens - ont été tués dans les territoires repris par les Yougoslaves autour de Trieste. Certains ont été jetés parfois vivants dans les «foibe», de profondes crevasses naturelles, tandis que plus de 250'000 autres ont dû fuir leur foyer.

Mais si ces opérations avaient dans les dernières années toute l'apparence d'un nettoyage ethnique de la part des partisans de Tito, elles ont d'abord commencé comme une épuration. Épuration qui visait les carabiniers ou fonctionnaires fascistes et qui se faisait avec la collaboration de partisans italiens.

L'histoire de Norma Cossetto

Aussi, dans l'après-guerre, soucieuse de tourner au plus vite la page du fascisme et des exactions commises dans les régions de Yougoslavie occupées par son armée, l'Italie a-t-elle oublié ces massacres, dont seuls les nostalgiques du «Duce» ont gardé le souvenir pendant des décennies. Ce n'est qu'en 2004, sous le gouvernement de Silvio Berlusconi, qu'une journée nationale du souvenir a été instaurée.

Dans ce cadre, une médaille du Mérite civil a été attribuée en 2005 à Norma Cossetto, une étudiante de 23 ans, fille d'un responsable fasciste local, violée, torturée et assassinée par des partisans yougoslaves et italiens en octobre 1943.

C'est son histoire, comme métaphore du sort de tous les autres, que «Red Land» raconte, de manière sombre et crue. Comme le mode d'exécution des victimes: les unes étaient abattues d'une balle dans la tête au bord d'une profonde «foiba», où elles entraînaient les autres, liées par les poignets.

«Vérité trop longtemps cachée»

«Oui, Norma a été tuée parce qu'elle était fasciste. Mais aussi parce qu'elle était femme, éduquée, Italienne», explique à l'AFP Alessandro Centenaro, producteur avec Venice Film.

«Il y a beaucoup de nuances dans cette histoire, à l'image du personnage de Giorgio, le déserteur qui rejoint les partisans yougoslaves pour chasser les fascistes et finit lui-même victime», ajoute Maximiliano Hernando Bruno, le réalisateur italo-argentin. Présenté au festival de Venise, le film a aussi été montré en avant-première début novembre au Sénat, où il a été salué par des élus de droite comme de gauche.

«Un boycott»

Les pages Facebook du film et du réalisateur fourmillent de commentaires positifs sur «une histoire forte», qui «rend enfin honneur aux victimes», qui «met la lumière sur une vérité trop longtemps cachée», qu'il «faudrait montrer dans toutes les écoles». Mais une poignée d'internautes ont aussi traité le réalisateur de «fasciste» et «révisionniste». «Des provocateurs ignorants qui n'ont pas vu le film», assure l'intéressé.

Pour les défenseurs du film, le plus grave reste la relative indifférence de nombreux médias italiens face à «Red Land», qui pousse certains à dénoncer «un boycott».

«Honneur de la mémoire»

Fait inhabituel, Matteo Salvini, homme fort du gouvernement et patron de l'extrême droite, a partagé lundi avec ses millions d'abonnés sur les réseaux sociaux la liste de la trentaine de cinémas diffusant le film.

«Pendant des décennies, politiciens et intellectuels de gauche ont tout fait pour cacher cette vérité», a-t-il insisté. «Allez le voir et passez le mot, pour que ceux qui sont morts pour le simple fait d'être Italiens aient au moins l'honneur de la mémoire». (nxp/ats)

(NewsXpress)

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