Ce matin-là, elle arrive tout juste de Cotonou, après une courte nuit dans l’avion. Depuis quinze ans, Marie-Cécile Zinsou vit à cheval entre la France et le Bénin, où elle préside la Fondation Zinsou, qui se consacre à l’art contemporain. A son domicile parisien de Saint-Germain-des-Prés, ce 16 novembre, on admire au mur des photos en noir et blanc de femmes africaines. Des coussins en wax colorent les canapés et Michel Foucault repose sur la table basse.
Marie-Cécile Zinsou a prévu de rester à Paris un mois. Elle aura de quoi faire. L’Elysée doit présenter ce 23 novembre un rapport sur la restitution du patrimoine africain pillé, rédigé par l’historienne d’art Bénédicte Savoy et l’universitaire Felwine Sarr. Une cause qui lui tient à cœur. Le duo a par deux fois écouté cette passionnée d’art et d’histoire. « L’enjeu de ce rapport est symbolique, affirme-t-elle. Beaucoup plus que récupérer des œuvres, il s’agit d’accepter de regarder l’histoire en face et de rendre sa dignité et sa fierté à une population qui en a été privée pendant la colonisation. »
Naissance de la Fondation Zinsou en 2005
Cette bataille pour la mémoire de l’Afrique s’inscrit dans la logique de son parcours. Aînée de trois filles, Marie-Cécile Zinsou, 36 ans, naît à Paris d’une mère vosgienne, professeure de français, et d’un père franco-béninois, le banquier d’affaires Lionel Zinsou. Enfant, elle vit deux ans en Angleterre, part en vacances au Sénégal et en Côte d’Ivoire, jamais au Bénin. La famille y est interdite de séjour. Son grand-oncle, Emile Derlin Zinsou, un des premiers présidents de la République du Dahomey (futur Bénin), a été condamné à mort par contumace par le régime marxiste-léniniste imposé à partir de 1974 par Mathieu Kérékou. « Il a été extrêmement important pour moi », raconte sa petite-nièce.
Tout en étudiant mollement l’histoire de l’art pendant deux ans, c’est avec lui qu’elle prépare son projet secret : le retour au pays. En 2003, elle y met les pieds pour la première fois, en compagnie de son père. Elle a 20 ans. Elle doit y rester un an, elle y vit toujours. Elle commence par donner des cours d’anglais et d’histoire de l’art et réalise à quel point les jeunes n’ont pas accès aux œuvres. Germe alors le projet d’un musée. « Mon père est persuadé que c’est son idée, précise-t-elle en souriant. Moi que c’est la mienne. » C’est en tout cas une histoire de famille, car, au début, sa mère y consacre aussi du temps.
La fondation ouvre en 2005, financée par le mécénat à hauteur de 600 000 à 1 million d’euros, selon les années. Zinsou père apporte les deux tiers. Sotheby’s, Brussels Airlines et des donateurs privés, le reste. Zinsou fille expose les plus grands artistes africains, mais aussi Basquiat ou Keith Haring. Partenaire de 380 écoles, la fondation, gratuite, attire surtout des enfants. La jeune entrepreneuse est désormais saluée dans le monde entier. En France, elle fait même partie depuis trois ans du conseil d’administration du château de Versailles. Mais, aujourd’hui, elle voudrait que les jeunes Béninois puissent voir les trésors royaux emportés à la fin du XIXe siècle par les colons français.
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