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Patrimoine

Restitutions d’œuvres d'art à l'Afrique : le projet de loi accepté

Le gouvernement français a définitivement accepté jeudi 17 décembre 2020 le projet de loi prévoyant la restitution d’œuvres d’art au Bénin et Sénégal.

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Couronne funéraire provenant du royaume de Dahomey (XVIIe - XIXe siècles) exposée au musée du Quai Branly, à Paris. Cet ancien royaume africain était situé dans le sud-ouest de l'actuel Bénin.

Couronne funéraire provenant du royaume de Dahomey (17e - 19e siècles) exposée au musée du Quai Branly, à Paris. Cet ancien royaume africain était situé dans le sud-ouest de l'actuel Bénin. 

Crédits:Gérard Julien / AFP

Jeudi 17 décembre 2020, à l'unanimité, les députés ont définitivement adopté le projet de loi autorisant la restitution de vingt-six oeuvres provenant du palais des rois d'Abomey et issues du trésor de Béhanzin, actuellement conservées au musée du Quai-Branly, à Paris. Pour que le patrimoine africain présent dans les collections françaises puisse faire l’objet de cette restitution, il fallait modifier le code juridique qui en régit l’usage, ces collections muséales étant considérées jusque-là comme imprescriptibles et inaliénables. Ces objets devront être restitués au Bénin d'ici un an. Ces restitutions à l'Afrique sont les premières officiellement faites depuis que s'y était engagé Emmanuel Macron dans son discours prononcé à l'université de Ouagadougou (Burkina Fasso), en novembre 2017.

La restitution au Bénin de 26 œuvres

La première restitution concerne aussi l’acte de transfert du sabre dit d’El Hadj Oumar Saïdou Tall, issu des collections du musée de l’Armée, à Paris, déjà remis en novembre 2019 par Edouard Philippe, l’ex-premier ministre français au Président du Sénégal Macky Sall. 

En novembre 2018, un rapport de 108 pages sur les restitutions d'œuvres d'art qui "devraient être rendues aux pays africains" avait été remis au Président de la République française par l'historienne de l'art Bénédicte Savoy, professeure d'histoire de l'art au Collège de France à Paris, et l'écrivain sénégalais Felwine Sarr, économiste à l'Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal). Emmanuel Macron avait en effet annoncé le 28 novembre 2017, sa volonté d'engager un programme de restitutions temporaires ou définitives. "Le patrimoine africain (...) doit être mis en valeur à Paris, mais aussi à Dakar, Lagos, Cotonou (...) Ce sera l'une de mes priorités. D'ici cinq ans, je veux que les conditions soient réunies [pour le faire]", avait-il annoncé dans un discours devenu historique prononcé à l'Université de Ouagadougou (Burkina Faso), prenant à contrepied tous ses prédécesseurs comme l'avait relaté alors Sciences et Avenir.

A son retour à Paris, le chef de l'État avait aussitôt confié à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr la charge de mener une large réflexion, en consultant des spécialistes en Afrique et en France. "Le discours de Ouagadougou a constitué un électrochoc, une rupture avec ce qui se disait jusque-là", avait rappelé Bénédicte Savoy, interrogée le 19 novembre 2018 dans " La fabrique de l'Histoire " sur France Culture.

"On entend souvent le chiffre de 90% ou 95% du patrimoine historique qui serait hors d'Afrique ; mais si l'on considère qu'au seul musée du Quai Branly à Paris, sont présentes 70.000 pièces venues de l'Afrique sub-saharienne depuis le milieu du 19e siècle, on peut imaginer des chiffres semblables dans les musées de Bruxelles, Londres, Berlin, Stuttgart, etc, avait expliqué l'experte qui mène des recherches sur ces questions patrimoniales depuis plus de 15 ans. Or dans les plus grandes collections des Etats africains de l'Afrique francophone, on trouve dans les réserves… 3.000 à 5.000 objets selon les spécialistes. C'est ce déséquilibre-là qui a mené notre démarche. "

Eléments de décor d'un siège royal provenant de l'ancien royaume du Dahomey (actuel Bénin). © Gérard Julien / AFP

L'Afrique sub-saharienne, région du monde qui a connu la plus grande expropriation de son patrimoine

De son côté, Felwine Sarr, avait rappelé sur les mêmes ondes de France Culture que l’Afrique sub-saharienne était la région du monde qui avait connu la plus grande expropriation de son patrimoine : "Au-delà des aspects juridiques et techniques, il y a d’abord un aspect éthique qu’il faut mettre en lumière. II n’est pas juste que l’essentiel du patrimoine d’une communauté entière ne soit pas là, qu’il ne permette pas aux peuples de reconstruire leur histoire, leur mémoire, qu’ils ne puissent pas reconnecter leur jeunesse avec cette histoire, faire œuvre de resocialisation de leurs objets. Le cas de l’Afrique sub-saharienne est emblématique de cet absolu déséquilibre. Dans cet objectif de rééquilibrage, il faut entendre souci de justice, d’équité et d’éthique". 

On se souvient que l’annonce de ces restitutions avaient provoqué de nombreuses réactions, y compris très hostiles. A commencer par le marché de l’art, et les communautés de musées et galeries qui craignaient la possibilité d'une restitution totale. Aujourd’hui, on semble d’ailleurs plus s’acheminer vers des circulations d’œuvres plutôt que des restitutions.

Le texte du projet de loi présenté le 15 juillet 2020 a donc été définitivement accepté ce 17 décembre 2020.

B.A avec AFP

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