Nicolas Mathieu éclate de rire, d’un rire sincère et énorme qu’il a du mal à contrôler. « Je ramasse mes dents et je réponds », dit-il, provoquant l’hilarité des deux cents élèves réunis ce 15 octobre à Nancy dans un grand amphithéâtre. Trois jours après avoir dû improviser à Toulouse une réponse à la question : « Pourquoi faire preuve d’une telle vulgarité dans les scènes de sexe ? », voilà donc l’auteur de Leurs enfants après eux (Actes Sud) face à une adolescente qui juge que ses « personnages d’adolescents sont des clichés » et que son roman ne présente pas d’« intrigue particulière ». L’écrivain – consolé depuis par le prix Goncourt – reconnaît avoir été désarçonné par ces rencontres qu’il imaginait « plus académiques ».
Un périple dans sept grandes villes
Créé il y a trente ans, organisé par la Fnac et le ministère de l’éducation nationale, le prix Goncourt des lycéens offre à près de 2000 élèves de seconde, première et terminale ou BTS (issus de filières générales, techniques et professionnelles) l’opportunité de voter pour leur roman préféré parmi la quinzaine figurant sur la première sélection du Goncourt. À l’arrivée, un jury resserré de treize élèves désigne le lauréat parmi cinq auteurs. Cette année, c’est David Diop qui l’a emporté pour Frère d’âme (Seuil).
Les jurés Goncourt pensent-ils aux lycéens au moment d’établir leur liste ? Virginie Despentes, intronisée en 2016, est formelle : « La question du Goncourt des lycéens n’apparaît jamais dans les fiches de lecture qu’on s’envoie pendant l’été – probablement l’étape la plus importante. » En revanche, quand tout le monde bataille pour soutenir ses favoris en séance de délibération, il n’est pas rare que l’argument « il mérite vraiment de faire partie de la liste du Goncourt des lycéens » soit avancé.
Le prix Goncourt des lycéens est celui dont la moyenne des ventes est la plus élevée, avec près de 395 000 exemplaires, devant son aîné qui atteint une moyenne de 345 500 exemplaires.
Particularité de ce prix littéraire, outre la jeunesse de son jury : l’itinérance promotionnelle qu’elle demande aux auteurs en lice. Durant ce périple organisé dans sept grandes villes (Paris, Lille, Toulouse, Lyon, Marseille, Nancy, Rennes), ils ont la possibilité de défendre leur livre devant leurs jurés. Dans un monde littéraire bruissant de rumeurs sur les manœuvres dont sont capables certains éditeurs pour faire primer leurs poulains, le Goncourt des lycéens est le seul prix qui permette directement aux écrivains de faire quelque chose pour leur livre.
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