Sortir son dossier médical du placard, l’ouvrir, et s’apercevoir qu’il est vide. Appeler l’hôpital, demander à consulter son dossier, et n’y trouver « que des devis d’intervention ». Joëlle Manighetti, cadre de la santé à la retraite, auteure d’un blog sur les implants mammaires, se souvient de ces femmes, pendant l’affaire PIP, qui « n’avaient aucun compte rendu opératoire. La seule solution qu’elles avaient pour savoir quel type de prothèse elles portaient était de se faire réopérer ».
En France, la loi est pourtant claire. Depuis 2006, les chirurgiens doivent inscrire dans le dossier médical toutes les données relatives à la traçabilité des implants : nom, numéro de lot et série. Mais la consigne est peu respectée. Une enquête menée en 2014 par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) montre, par exemple, qu’en Ile-de-France moins d’un établissement sur deux dispose d’un document précis à remettre aux malades à leur sortie. Un constat inquiétant, car ce papier est le seul moyen pour le patient de savoir s’il est concerné en cas de problème sur un implant. Ce qui semble donc possible dans l’agroalimentaire – en cas de contamination accidentelle, chacun est capable de savoir si sa bouteille de lait est concernée – n’est donc toujours pas systématique pour des dispositifs implantés dans le corps.
Pour que ces informations soient remises au patient, encore faudrait-il qu’en amont tout soit correctement tracé à l’hôpital. C’est loin d’être le cas. Selon la même enquête, un établissement sur dix ne dispose d’aucune base de données informatique permettant de retrouver rapidement un patient à partir du numéro de lot de l’implant, et inversement. Sans compter les dispositifs médicaux égarés par l’hôpital dont le nombre peut atteindre… 25 %. « La traçabilité des implants coronaires ou des prothèses mammaires n’est clairement pas une priorité pour certains chirurgiens », déplore Pierre Faure, pharmacien à l’hôpital Saint-Louis.
L’éparpillement des informations est un autre problème. Rien qu’à l’AP-HP, à Paris, il existe 70 logiciels différents, et aucun système centralisé pour tracer les implants. Quand ce ne sont pas les établissements qui fonctionnent toujours au papier. En cas de rappel, il faut donc aller fouiller dans les cahiers de bloc. « C’est complètement archaïque mais, avec du temps et de la persévérance, vous y arrivez… », poursuit le pharmacien de l’hôpital Saint-Louis.
Livraison en catimini
Le simple inventaire des implants médicaux est donc un véritable casse-tête. Dans les hôpitaux parisiens, alors que les médicaments sont tous stockés dans un même lieu, à Nanterre, et suivis à la boîte près, les dispositifs médicaux, eux, sont livrés directement par les fabricants. En théorie, ils doivent passer par la pharmacie centrale de l’hôpital. Mais, en pratique, « les industriels gèrent souvent directement les stocks d’implants dans les blocs », constate Patricia Le Gonidec, la pharmacienne qui coordonne les travaux de l’Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omedit).
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