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Loïc Charles : « Banksy et le mystère de la valorisation des marchandises au sein des économies capitalistes »

Le plasticien britannique, qui affole le marché, s’inscrit dans une longue tradition d’artistes qui accordent une place importante à la réflexion sur les fondements de la valeur de l’art, détaille l’économiste dans sa chronique.

Publié le 26 novembre 2018 à 09h11, modifié le 26 novembre 2018 à 09h11 Temps de Lecture 3 min.

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Chronique « Recherches ». A l’issue d’une vente aux enchères organisée par Sotheby’s à Londres, le 5 octobre, une toile de l’artiste contemporain Banksy, La Petite Fille au ballon, qui venait d’être vendue, s’autodétruisait partiellement devant une assistance médusée. Les réseaux sociaux s’affolèrent aussitôt. Certains y ont vu un pied de nez au capitalisme et célébré la victoire de l’artiste sur l’empire de l’argent : en détruisant son œuvre, il venait de réduire à néant le million de livres sterling qui l’avait achetée. D’autres, plus cyniques, remarquaient que cette destruction partielle avait probablement augmenté la valeur de l’œuvre de 50 %, voire 100 %, une analyse validée par l’acheteuse elle-même, qui a déclaré qu’elle possédait désormais son « bout d’histoire de l’art ».

On peut aussi concevoir cette performance dans le cadre de la réflexion de l’artiste sur la nature et les fondements de la valeur de l’œuvre d’art et, plus généralement, des marchandises dans une économie capitaliste. En effet, dès 2004, l’artiste anglais s’était fait remarquer en imprimant et en distribuant des imitations de billets de 10 livres sterling à l’effigie de la princesse Diana et signés « Banksy of England ». Certains de ces billets furent ensuite vendus en ligne pour un montant bien plus élevé que leur valeur faciale.

Banksy s’inscrit de fait dans une longue tradition d’artistes contemporains qui se distinguent par la place importante accordée à la réflexion sur les fondements de la valeur marchande. Dans L’Economie à l’épreuve de l’art (Les Presses du réel, 304 pages, 26 euros), l’historienne de l’art Sophie Cras évoque la recherche particulièrement sophistiquée du peintre Yves Klein dans ce domaine.

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Le 2 janvier 1957, ce dernier expose, dans une galerie milanaise, onze tableaux monochromes, tous identiques. L’artiste rapporte : « Les acheteurs… choisissent, parmi les onze tableaux exposés, chacun le leur et le paient chacun le prix demandé. Et les prix sont tous différents, bien sûr. » L’anecdote, déjà intéressante par elle-même, devient fascinante lorsque l’on sait qu’elle est apocryphe. En réalité, l’auteur a affiché et vendu les onze œuvres à un prix identique (25 000 lires de l’époque, environ 13 euros). Ces deux récits renvoient donc à deux définitions de la valeur économique des biens.

Yves Klein et la bombe

La première est celle des économistes d’aujourd’hui. La valeur est définie par une combinaison de désir de la part de l’acheteur – ce que les économistes caractérisent comme « son échelle de préférence » – et ses moyens d’acquérir le bien qui satisfait son besoin – « sa contrainte budgétaire ». Cette valorisation préside notamment à la fixation du prix des monochromes d’Yves Klein dans les ventes publiques : des tableaux de format, de composition et d’aspect identiques sont vendus à des prix différents.

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