Chiraquien, ancien président des maires de France et en charge des investitures d'En Marche! pour les législatives, Jean-Paul Delevoye est un Premier ministre potentiel.

Qu'adviendra-t-il des droits déjà acquis après la réforme des retraites prévue en 2019, menée par l'équipe du haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye.

AFP PHOTO/POOL/ETIENNE LAURENT

Vous avez déjà commencé à travailler, même dans le cadre d'un simple job d'été ? Vous avez déjà engrangé différents droits à la retraite, consultables en ligne sur "compte" retraite. Si, par exemple, vous êtes salarié, vous verrez apparaître au titre du régime de base un certain nombre de trimestres et des montants de salaires retenus, ainsi que des points de retraite complémentaire. Autant d'éléments censés servir à terme à calculer vos pensions.

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Qu'adviendra-t-il de tous ces droits déjà acquis après la réforme des retraites, dont la présentation et le vote sont annoncés pour 2019 ? Ils seront "conservés à 100 %", promet le gouvernement. Concrètement, ce n'est pas simple... Cette question de la transition vers le nouveau système - l'une des plus sensibles de ce projet titanesque - était au menu des discussions avec les partenaires sociaux la semaine dernière.

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Si plusieurs points semblent désormais quasiment tranchés par l'équipe du haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye, chargé par l'exécutif de préparer le big bang, deux nouvelles semaines de concertation avec les partenaires sociaux sont prévues après le mois de janvier pour entrer dans les détails et traiter les questions en suspens. Avec en ligne de mire la nécessité de concilier exigences juridiques, possibilités techniques, nécessité de lisibilité et acceptabilité politique...

1)Vous êtes né avant 1963 ou bien vous n'aurez pas commencé à travailler avant 2025 ?

Les questions de transition ne vous concerneraient a priori pas. Peu importe quand vous prendriez votre retraite, vos pensions seraient intégralement calculées selon les règles actuelles si vous êtes né en 1962 ou avant. À l'inverse, si vous entrez pour la première fois sur le marché du travail après l'entrée en vigueur de la réforme (le 1er janvier 2025 est pour l'instant sur la table), vous ne connaîtriez que le nouveau système.

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2)Vous êtes encore loin de la retraite (à plus de 10 ou 15 ans) ?

Vos droits devraient être convertis. Votre carrière passée vous donnerait des points du nouveau système (puisque le système universel issu de la réforme fonctionnerait à points). Au moment de prendre votre retraite, vous n'auriez donc que des points à votre actif et votre pension serait calculée en multipliant leur nombre par leur valeur cette année-là.

C'est le scénario qui parait privilégié pour les actifs les plus jeunes par l'équipe du haut-commissaire à la réforme. Quelles générations seraient précisément concernées ? Rien n'est acté. Il pourrait par exemple s'agir de celles à plus de 10 ans de la retraite à l'entrée en vigueur de la loi. Ou à plus de 15 ans. Mais ce ne sont que des exemples évoqués dans les documents de travail.

Ce qui semble en revanche décidé, c'est que cette conversion se ferait selon les anciennes règles. Pour calculer le nombre de points auquel vous auriez droit au titre de votre carrière passée (le bout de carrière effectué avant la réforme), on aurait recours aux règles actuelles. La possibilité d'appliquer les nouvelles règles de calcul des pensions à la carrière passée semble exclue.

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Ceci dit, de nombreuses questions demeurent en suspens concernant la méthode de conversion des droits en points. Rien de surprenant, c'est le sujet le plus ardu techniquement tant les règles actuelles sont multiples et complexes.

Prenons l'exemple d'un salarié. Pour sa retraite de base, son compteur affiche aujourd'hui des trimestres (issus de ses cotisations, mais aussi de ses éventuelles périodes de chômage, de maladie, etc.) et des salaires (le régime général retient son salaire de l'année, dans la limite d'un plafond). Comment transformer tout cela en points ? En lui calculant d'abord une pension "ancien régime" alors même qu'il n'a pas terminé sa carrière. Seulement voilà, en l'état actuel des règles, les pensions du régime général sont incalculables "au fil de l'eau". Pour savoir si un salarié a droit au fameux taux plein, il faut savoir combien de trimestres il a en fin de carrière. Idem pour déterminer ses 25 meilleures années.

Des ajustements seront donc requis. Parmi les pistes à l'étude : accorder le taux plein à tous, et proratiser les 25 meilleures années (exemple : vous avez travaillé la moitié de votre carrière dans l'ancien système, seules vos 12 meilleures années compteraient pour le calcul de votre salaire de référence).

La question est plus complexe encore pour les fonctionnaires : le calcul de leur pension dépendant du traitement reçu les six derniers mois de leur carrière, comment leur calculer une pension en cours de route ? Autre complication : faut-il prendre en compte, lors de la conversion, des droits qui actuellement ne sont calculés qu'au départ à la retraite, notamment les droits familiaux, accordés aux parents ? Aujourd'hui, les parents de trois enfants et plus bénéficient d'un bonus de pension (souvent 10 %) ; si le nouveau système ne le prévoyait plus, les parents ayant eu leurs enfants avant la réforme pourraient-ils prétendre à ce droit ? Les questions en suspens sont multiples et la méthode de conversion fera couler beaucoup d'encre...

3)Vous n'êtes plus si loin de la retraite (à moins de 10 ou 15 ans) ?

Les architectes de la réforme semblent étudier trois scénarios (là encore, les générations précisément concernées n'ont pas été identifiées) :

• Convertir les droits passés en points, comme pour les plus jeunes. Au final, tous ceux nés après 1962 (sauf exceptions) verraient leurs droits acquis avant la réforme transformés en points du nouveau système, jeunes ou moins jeunes, selon les mêmes modalités (voir ci-dessus). Cette première option est la plus simple à comprendre et à mettre en oeuvre.

Ne pas convertir les droits. Cette deuxième piste consisterait à réaliser deux calculs au moment du départ à la retraite. D'abord, on calculerait votre pension en appliquant les anciennes règles à l'ensemble de votre carrière, pour la verser au pro rata du nombre d'années effectivement passées dans l'ancien système (exemple : vous avez cotisé 42 ans au total, dont 35 dans l'ancien système, on vous verse 5/6e de la pension calculée). On ajouterait ensuite votre pension issue du nouveau système, calculée à partir des points obtenus à partir de l'entrée en vigueur de la réforme.

Intérêt politique non négligeable : cette option éviterait aux personnes les moins éloignées de la retraite de passer par la case "conversion de droits". Sachant que la conversion rendra à coup sûr soupçonneux quiconque sera concerné (chacun se demandera inévitablement s'il n'a pas été lésé au passage), cette piste permet d'éviter la méfiance de la partie de la population justement la plus attentive aux questions de retraite.

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Calculer les deux pensions complètes en parallèle. Une alternative (accrochez-vous, les choses se compliquent sévèrement...) consisterait à calculer deux pensions pour l'ensemble de votre carrière : d'une part une pension complète selon les anciennes règles (comme dans l'option précédente), d'autre part une pension complète en points (après avoir converti en points les droits avez acquis avant la réforme). Puis à appliquer un coefficient de pondération fonction de votre année de naissance (on dirait, par exemple, que la pension de la génération 1965 serait constituée à 40 % de la pension calculée selon les anciennes règles et à 60 % de la pension calculée en points).

Ces pistes vont désormais être creusées par les partenaires sociaux et par les équipes du haut-commissaire. Si le débat est des plus techniques, les décisions actées auront un impact non négligeable sur les montants des pensions versées durant les prochaines décennies. Impossible toutefois d'estimer les effets des différents scénarios pour des cas "types" d'actifs tant que la valeur du point du régime universel n'a pas été dévoilée.

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