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Climat

La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) manque singulièrement de vigueur

Présentée par le ministre de la Transition énergétique, François de Rugy, comme une mutation historique du modèle énergétique de la France, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne semble cependant pas suffisante – selon les ONG – pour maintenir la hausse des températures en dessous de 2°C.

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Le ministre de l'Environnement François de Rugy sur le tarmac de l'aéroport de Bastia en Corse, le 08 octobre 2018

Le ministre de la Transition énergétique François de Rugy.

AFP - PASCAL POCHARD-CASABIANCA

STRATEGIE. Attendue depuis plusieurs semaines, la PPE –qui fixe les objectifs en matière de production d’énergie– et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) –qui trace la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre– dessinent l’avenir énergétique de la France pour les dix prochaines années. Dans bien des secteurs, les objectifs paraissent timorés et il est probable que ces deux instruments de prévision ne permettent pas à la France de respecter l’Accord de Paris sur la limitation de la température mondiale en dessous de 2°C, même si l’objectif final de réduction de moitié de la consommation finale d’énergie en 2050 est confirmé.

La trajectoire des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. La descente plutôt sèche implique une action rapide au cours de la prochaine décennie. En 2017, les émissions françaises sont reparties à la hausse. Ministère de la transition énergétique et solidaire.

Energie

Outre la délicate question du nucléaire, la PPE revendique une accélération forte du développement des énergies renouvelables. Ainsi, la puissance installée en éolien terrestre doit passer de 11 gigawatts (GW) en 2017 à 24,6GW en 2023 et autour de 35GW en 2028. Inexistant aujourd’hui, l’éolien offshore est programmé à 2,4GW en 2023 et autour de 5GW en 2028. Le solaire (7GW aujourd’hui) doit passer à plus de 20GW en 2023 et dépasser les 40GW en 2028. L’effort peut paraître conséquent, mais dans ses études, le Syndicat des énergies renouvelables affirme que les capacités peuvent atteindre 40GW pour l’éolien (16% de la production d’électricité) et 52GW pour le solaire (9,7%) en 2030. La PPE confirme donc la part de 40% d’énergie renouvelable dans le mix énergétique en 2028 quand les 54% pourraient être atteints en 2030. Ces objectifs semblent donc conservateurs. De même, la part de la chaleur d’origine renouvelable (biomasse, pompes à chaleur, géothermie, biogaz, solaire thermique) doit atteindre 39% au mieux de la consommation finale quand le SER table sur 41%. L’injonction de 10% de biogaz dans le réseau en 2028 (0,1% aujourd’hui) paraît également facilement réalisable selon les prévisions des entreprises de gestion des réseaux de gaz. Pour les ONG réunies au sein du Réseau Action Climat, pas de doute : le potentiel des énergies renouvelables est freiné pour préserver les intérêts du nucléaire et faire glisser dans le temps la fermeture programmée des centrales.

Transport

Le secteur roule à 97% au pétrole. La hausse du baril conjugué à l’augmentation de la taxe carbone (ou contribution climat énergie) sur les carburants a provoqué le phénomène des "gilets jaunes". Le Président de la République comme le Premier Ministre et le ministre de la Transition énergétique se lancent donc dans une grande opération pédagogique. "L’intérêt des Français est le même que celui de la France et de son commerce extérieur : ne plus dépendre de la volatilité du prix du baril", a répété François de Rugy lors de la présentation de la PPE. Le gouvernement veut donc porter la prime à la conversion à 1 million de bénéficiaires d’ici 2022 et ambitionne de voir rouler 4,8 millions de véhicules électriques en 2028. Pour le diesel et l’essence, c’est en revanche l’Union européenne qui décide. En 2020, les constructeurs dont la moyenne du parc dépassera 95 grammes de CO2 par kilomètre parcouru (g/km) paieront 95 euros par gramme de dépassement et véhicule vendu. Ces normes ont été durcies par un nouveau réglement à 2030 (pas assez pour les ONG environnementales) et en 2030 elles devront encore avoir baissé de 35% pour descendre à 60g/km. Cela représente une consommation moyenne de 4l/100 contre 6l/100 aujourd’hui. La mesure européenne figure malgré tout dans la PPE française. Le but ultime, c’est la fin de la vente des voitures à moteur thermique en 2040. Les biocarburants doivent par ailleurs avoir une part de 15%. Nouveauté: 3,8% de ces biocarburants pour l'essence et 3,2% pour le diesel devront provenir de biocarburants "avancés" issus de déchets et de matières premières non alimentaires.

Bâtiments

La nouvelle PPE innove peu par rapport aux objectifs de la loi de transition énergétique de 2015. Le but de rénovation de 500.000 logements par an est rappelé mais il n’a jamais été atteint faute de la mobilisation des fonds nécessaires. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique est maintenu et est transformé en prime versé par l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat (Anah) pour les ménages modestes. La PPE donne pour objectif le remplacement d’un million de chaudières au fuel en 2023 par des appareils au gaz, aux pompes à chaleur et au bois.

Industrie

Les entreprises vont être aidées à sortir du charbon et du fuel et à utiliser des énergies renouvelables pour atteindre 38% de chaleur renouvelable en 2028. De même l’éco-conception des produits est citée sans objectif précis de même que la promotion de l’économie circulaire et de la progression de la valorisation matière des déchets.

L’agriculture

Responsable de 16% des émissions nationales de gaz à effet de serre, l’agriculture pourrait cependant constituer un puits de carbone et aider donc la France à réduire drastiquement ses gaz à effet de serre. Mais il faut pour cela changer les pratiques et adopter massivement l’agro-écologie, l’agro-foresterie, l’agriculture de conservation qui augmentent le stockage de carbone dans les sols. La PPE cite aussi la diminution de l’artificialisation des sols. Mais aucun objectif n’est précisé. Difficile en effet d’évaluer le temps qu’il faudra pour sortir l’agriculture française de son modèle intensif actuel très émetteur de gaz à effet de serre.

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