16 novembre 2018. Paris. Station F. Mélanie Marcel, gérante de Soscience.

Mélanie Marcel, fondatrice de Soscience, entreprise sociale incubée à la Station F.

Marc CHAUMEIL / Divergence pour L'Express

La science est-elle au service du bien commun ? Ce n'est pas le dernier sujet du bac de philo mais la question (judicieuse) que pose Mélanie Marcel. Plutôt que de se consacrer uniquement à concevoir le produit le plus lucratif possible, la jeune ingénieure en physique des ondes et neurosciences veut convaincre les entreprises d'inclure une dimension citoyenne dans l'élaboration de leurs plans de recherche.

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L'idée germe au Japon, en 2011, alors qu'elle travaille sur un projet d'interaction entre les machines et les neurones. Son employeur a pour ambition d'implanter des puces directement dans le cerveau. Consciente de l'ampleur d'une telle innovation, Mélanie s'interroge sur la portée de ses travaux. "Comment se fait-il qu'en tant qu'ingénieure je ne me suis jamais interrogée sur la finalité réelle du produit ?" s'inquiète la jeune femme. Diplômée de l'ESPCI Paris Tech, elle décide alors avec une camarade de promotion, Eloïse Szmatula, de "remettre les travaux des scientifiques au service de la société". SoScience est née. La start-up commence par nouer des partenariats avec des laboratoires publics afin de les encourager à s'impliquer dans des projets à impact social. Savon contre la malaria au Burkina, résine pour relancer l'industrie du jute en Inde, la jeune pousse multiplie les initiatives.

Mélanie Marcel va aussi démarcher les grands groupes, de plus en plus contraints à limiter les conséquences de leur activité sur l'environnement ou la santé. "Quand on leur reproche de polluer, les multinationales entrent dans une politique de réduction d'impact. Avec SoScience nous voulons les convaincre qu'elles peuvent penser leurs produits comme totalement positifs dès l'origine", fait-elle valoir. Renault, Air Liquide, Danone et d'autres sociétés du CAC 40 ont adopté un programme proposé par la start-up pour auditer leurs recherches et inclure une dimension sociale dans leurs travaux. Mélanie ne vise pas que le secteur privé puisqu'elle fait appel aussi aux acteurs publics, tel le CNRS, pour contribuer aux objets d'études lancés par les entreprises : "Tous les membres de la chaîne doivent être concernés, du politique, qui finance, jusqu'aux multinationales en passant par les laboratoires publics", martèle l'entrepreneure. Sans oublier les start-up, puisque SoScience, à son tour, finance les projets de ceux qui veulent révolutionner la science. La boucle est bouclée.

Le regard de Frédéric Bardeau, fondateur de Simplon, Fellow Ashoka 2015

"Mélanie parvient à injecter du social à la source même de l'innovation. Il ne faut pas se limiter aux impacts de la technologie mais la penser différemment dès son élaboration, au moment des travaux scientifiques. En clair, lier le 'science for good' au 'tech for good'. Les grandes entreprises deviennent plus sensibles à ces sujets, elles ont besoin de personnes comme Mélanie pour questionner leur R&D. Quand un groupe est convaincu que ses futurs produits doivent avant tout rendre service à la société, cela influe sur l'ensemble de son comportement, de la R&D à la gestion des ressources humaines. Le message est d'autant plus fort quand c'est une femme qui le porte dans un milieu comme la science, majoritairement composé d'hommes."

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