Tribune. Le premier ministre Edouard Philippe a révélé la hausse considérable des actes antisémites le jour même de la commémoration des pogroms de la nuit de Cristal du 9 novembre 1938. Il écrit dans cette tribune : « Chaque agression perpétrée contre un de nos concitoyens parce qu’il est juif résonne comme un nouveau bris de cristal. » Sommes-nous une société à ce point fissurée qu’au moindre coup, comme le cristal, elle se brise selon ses directions de clivage ?
Depuis plusieurs semaines, des incidents provoquent stupeur et consternation. Inscriptions antisémites visant le doyen par intérim de la faculté de médecine de Créteil, harcèlement subi par une étudiante juive en deuxième année de médecine à la faculté de médecine de l’université Paris-13. L’étudiante dénonce des « blagues » sur la Shoah, des saluts hitlériens, des « jeux » qui consistent à lancer des kippas et à les piétiner. Ces événements ont eu lieu pendant des week-ends d’intégration.
Dans une autre université, c’est une interne en médecine qui diffuse des messages racistes, antisémites et négationnistes sur son compte Twitter. Ou encore à l’université de Grenoble, tags antisémites à l’encontre du président de l’université, ou encore des jeux de mots douteux comme « Shoah must go on » ayant circulé chez des étudiants.
Interrogations lancinantes
Ces incidents répétés évoquent un climat d’antisémitisme diffus, d’autant plus insidieux qu’il s’insinue dans la vie des campus et qu’il apparaît déconnecté d’une idéologie ou d’opinions antisémites chez leurs auteurs, parfois au bord de l’état de conscience et dans une illusion d’impunité.
C’est la figure du juif et ce qui lui est associé (la Shoah) qui est dénigrée et objet de railleries
Malgré les condamnations émanant de toutes parts, et notamment de la classe politique, des interrogations lancinantes subsistent : pour quelles raisons ces incidents sont-ils survenus dans des facultés de médecine ? Pourquoi ces jeunes gens éduqués, abreuvés au devoir de mémoire, se sont-ils livrés à des actes dont ils connaissent a priori la signification ? A travers ce qui apparaît comme des provocations juvéniles, ces étudiants s’attaquent à un symbole, la Shoah, dont le fondement est historique, et c’est cette transgression majeure que nous voulons interroger en tant qu’universitaires et citoyennes.
Les étudiants impliqués, qui sont les soignants de demain, ont vraisemblablement inventé un bizutage d’un autre type à l’heure où la sexualité n’est plus le tabou majeur : là où la mort était tournée en dérision, c’est la figure du juif et ce qui lui est associé (la Shoah) qui est dénigrée et objet de railleries. Ainsi on participe à ce que l’on pourrait nommer une « Shoah party » dans un registre de dérision et de transgression mêlées dont la chanson de Dieudonné « Shoananas » est un exemple paradigmatique.
Il vous reste 61.69% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.