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Restitutions d’art africain : « Au nom de la repentance coloniale, des musées pourraient se retrouver vidés »

Le conservateur Julien Volper et l’avocat Yves-Bernard Debie s’insurgent, dans un entretien au « Monde », contre une culpabilité à géométrie variable, qui ne s’adresse d’ailleurs qu’aux pays de l’Afrique subsaharienne.

Propos recueillis par Nicolas Truong

Publié le 28 novembre 2018 à 17h06, modifié le 29 novembre 2018 à 05h24

Temps de Lecture 7 min.

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Statues en bois du royaume du Dahomey (actuel Bénin), datant du XIXe siècle, exposées au musée du Quai Branly, à Paris.

Julien Volper, conservateur chargé des collections ethnographiques du Musée royal de l’Afrique centrale (Tervuren, Belgique) et maître de conférences en histoire de l’art de l’Afrique à l’Université libre de Bruxelles – qui s’exprime ici à titre personnel – associé pour l’occasion à Yves-Bernard Debie, avocat spécialisé en droit du commerce de l’art et des biens culturels.

Faut-il, pour restituer aux pays africains en faisant la demande les œuvres qui sont détenues par les musées français– comme le propose le rapport remis à Emmanuel Macron le 23 novembre –, modifier le code du patrimoine ?

Yves-Bernard Debie : La solution proposée par le rapport consiste, d’une part, à modifier le code du patrimoine et, d’autre part, à ­conclure des traités bilatéraux entre l’Etat français et des Etats africains subsahariens « dont les territoires correspondent à d’anciennes colonies françaises », à des « protectorats ou [sont] gérés sur mandat français ». Selon les auteurs du rapport, cette dérogation au principe général d’inaliénabilité la limiterait nécessairement à cette seule hypothèse.

Plusieurs critiques s’imposent d’emblée. Tout d’abord, dans la mesure où la logique du rapport mais également son ambition assumée sont de rendre tout ou presque de ce patrimoine africain supposé « pillé » durant la période coloniale, quelle que soit d’ailleurs l’exacte origine de son entrée en collection publique – des présomptions suffiront –, peut-on encore parler de limite ? Ensuite, la colonisation étant le critère retenu pour justifier le système dérogatoire, il n’y a aucune raison de la limiter à l’Afrique subsaharienne.

J’aimerais que l’on m’explique l’argument que la France osera opposer lorsque d’autres « anciennes colonies françaises » s’offusqueront, à juste titre, du mépris dont on fait preuve à leur égard. Enfin, si le système dérogatoire proposé était mis en place, ce serait la fin du principe d’inaliénabilité, puisqu’à l’avenir tout président pourrait, au gré de ses principes, de ses affinités ou des nécessités du temps, décider de restituer, de donner ou de vendre telle ou telle partie du domaine public, quitte à habiller le tout de déclarations fracassantes et d’un rapport télécommandé. C’est précisément contre ce fait du prince que le principe d’inaliénabilité du domaine public a été forgé dès la fin du Moyen Age.

Julien Volper : A titre d’exemple, Le Triomphe de Judas Macchabée, de Rubens, actuellement conservé au Musée des beaux-arts de Nantes, mais qui fut arraché à la cathédrale de Tournai par les troupes françaises en 1794, durant une expédition militaire et sur un territoire conquis, occupé puis annexé, ne devrait-il être rendu à la Belgique ?

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