Turbulences en série à la France insoumise

Une vague de départs vient égratigner l’image du mouvement de Jean-Luc Mélenchon.

 Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin à l’Assemblée nationale le 27 novembre.
Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin à l’Assemblée nationale le 27 novembre. AFP/CHRISTOPHE ARCHAMBAULT

    À la France insoumise, on n'a pas trop pour habitude de laver son linge sale en public. Les désaccords sont traités en interne, loin des lumières médiatiques, pour ne pas prêter le flanc, comme le font tant de partis, à la critique facile. C'est la tactique de la tortue romaine : tous groupés ! Alors, quand se fait entendre une voix discordante, l'oreille extérieure se fait attentive. Et c'est peu dire que depuis quelques jours, les critiques fusent et les portes claquent. Bruyamment.

    Djordje Kuzmanovic, compagnon de route depuis plus de dix ans, conseiller diplomatique de Jean-Luc Mélenchon, a ainsi rendu son départ public dans une tribune à Marianne. Quelques jours auparavant, c'est Corinne Morel-Darleux, une des figures écologistes du mouvement, qui l'égratignait aussi et prenait ses distances. Tout comme il y a quelques semaines, l'ex-étoile montante marseillaise Sarah Soilihi, depuis passée chez Benoît Hamon. Cet été, c'est Liem Hoang-Ngoc, économiste et aussi proche de Mélenchon, qui mettait les voiles. Ça fait beaucoup.

    Le contexte n'est pas anodin : les Insoumis peaufinent leur liste pour les européennes, et cet exercice d'équilibriste fait systématiquement des déçus. Chacun se voyait plus beau, trop proche du grand chef pour être mal traité, militant depuis trop longtemps pour être mal placé. Tous ne mouftent pourtant pas publiquement. Mais ceux qui décident de parler, parlent dur contre le mouvement. Et les critiques sont souvent les mêmes, ce qui empêche de tout mettre sur le compte de la blessure d'ego, de l'aigreur (parfois réelle).

    «Manque profond de démocratie»

    Deux reviennent en boucle : le problème d'organisation voire de démocratie interne, et la ligne stratégique de LFI. Exfiltré de la liste des européennes pour divergences politiques, Djordje Kuzmanovic explique que, « un an et demi après la magnifique campagne présidentielle de 2017, la France insoumise est dans l'impasse ».

    « Manque profond de démocratie » et « concentration d'un pouvoir aux mains d'un petit nombre d'apparatchiks », écrit celui dont les positions jugées « patriotes » ont souvent clivé en interne et dont les positions pouvaient parfois s'éloigner de la ligne « officielle ». La remarque fait, entre autres, écho aux revendications d'un collectif d'Insoumis démocrates, créé à l'été, exclu dans la foulée.

    « J'ai toujours plaidé pour l'alliance d'une aménité de ton et d'une radicalité de fond, je vois l'opposé », déplore de son côté Corinne Morel-Darleux, figure écologiste de LFI (également en position non-éligible, au regret de certains cadres). « La critique interne, même bienveillante, est vécue comme une attaque, le pas de côté comme une trahison », poursuit-elle dans un texte publié sur le site Reporterre.

    Absence d'écoute

    Orateur national de LFI, François Cocq a lui aussi été évincé de la liste. Il assure lui vouloir continuer à militer à la France insoumise, « un outil politique nécessaire », mais cela ne l'empêche pas de porter une parole critique.

    À plusieurs reprises, il avait déploré que LFI « louvoyait » entre deux stratégies : celle du populisme qu'il soutient, et l'autre du rassemblement de la gauche qu'il déplore. Sempiternel débat interne. Et de reprocher le « processus excluant » de la direction, une « incapacité à entendre » les paroles dissonantes. Une absence d'écoute, de valorisation, qui tendrait à ankyloser l'action militante sur le terrain.

    Une série de départs et de critiques qui n'arrangent pas Mélenchon, lui aimerait se concentrer sur la mobilisation des Gilets jaunes, qu'il soutient et dans lequel il veut voir les prémisses d'un « mouvement révolutionnaire ». « Ras-le-bol des médias qui nous grillent la moitié de notre temps de parole à nous faire commenter les déclarations personnelles de tel ou tel des 500 000 insoumis », a-t-il déclaré sur Twitter.

    Le sujet ne manquera pas d'alimenter la convention des Insoumis, qui doit se tenir à Bordeaux les 8 et 9 décembre.