AGRICULTURE - À Saint-Alexis au Québec, les vaches du producteur laitier Pascal Thuot vagabondent en toute liberté dans un immense espace intérieur. Fini, le temps des enclos restreints dans sa ferme de la région de Lanaudière. La traite s'effectue de façon automatique, sans intervention humaine.
Quand les vaches ont besoin de vider leurs pis, elles font la queue devant l'un des robots de traite de l'éleveur. Lorsqu'un animal entre dans la petite stalle, l'ordinateur la reconnaît grâce à la puce sur son collier et sait à quel moment remonte la dernière traite.
Pascal Thuot a décidé de moderniser sa ferme en 2014. Il a construit une étable sans stalles qu'il a équipée de deux robots de traite. Cet investissement de plus de 1,5 million de dollars canadiens (près d'un million d'euros), financé par des prêts, assure la collecte du lait de ses 110 vaches.
La ferme de Pascal Thuot compte quatre autres robots qui allègent sa charge de travail: deux systèmes d'alimentation répandent la nourriture des vaches au sol, une machine pousse le fourrage vers l'allée centrale afin qu'elles aient toujours à manger, et un bar à lait nourrit les veaux.
"Depuis 2010, la tendance à l'automatisation a décollé", déclare Gervais Bisson, spécialiste en production laitière et robots de traite chez Valacta, une organisation située au Québec qui recueille et analyse les données sur la filière laitière dans l'est du Canada. "En moyenne, 150 fermes passent aux robots de traite chaque année."
Ici, les exploitations laitières dominent l'agriculture. D'après le syndicat québécois des producteurs de lait, il existe plus de 5 300 fermes laitières au Québec, plus que dans n'importe quelle autre province canadienne.
Mais le secteur est en déclin. L'enquête menée par le groupe montre qu'environ un quart des exploitations laitières ont cessé leur production ces dix dernières années. Ceci s'explique en partie, notamment pour les fermes de moindre importance, par le fait que les éleveurs qui partent à la retraite ne trouvent pas de remplaçants.
L'automatisation pourrait inverser la tendance, affirment des agriculteurs tels que Pascal Thuot et des spécialistes. Contrairement à d'autres domaines, où les ouvriers sont remplacés par des machines, les robots présentent l'avantage d'aider les agriculteurs âgés à continuer le travail et d'inciter les plus jeunes à faire carrière dans ce secteur.
L'agriculture est une affaire de famille, les fermes se transmettant de génération en génération. Ces dernières années, pourtant, les agriculteurs font moins d'enfants, remarque Robert Ouellette, coordonnateur de l'emploi chez Agricarrières, une organisation qui œuvre pour la promotion de l'agriculture. De plus, leurs enfants embrassent souvent d'autres carrières. La technologie est un bon moyen de susciter l'intérêt des jeunes pour le travail à la ferme et de les faire venir en zone rurale.
D'abord, grâce à la technologie, les agriculteurs ont des horaires de travail plus conventionnels. Avant les systèmes de traite robotisée, ils devaient traire leurs animaux vers 5h le matin et le soir, jusqu'aux alentours de 19h. Cette corvée est désormais prise en charge par les robots.
"Mes employés ont une meilleure qualité de vie, leurs horaires sont plus souples et ils travaillent comme tout le monde, de 8 h à 17 h", indique Pascal Thuot. "Plutôt que d'effectuer toujours la même corvée, on a plus de temps pour s'occuper des animaux. Je vois maintenant des gens qui veulent venir travailler ici, ce qui n'était jamais arrivé."
Le système de traite robotisée a également modifié la gestion globale de la ferme. Avant, les producteurs de lait devaient surveiller les vaches quotidiennement et enregistrer manuellement les informations médicales les concernant. Maintenant, les robots de traite enregistrent automatiquement les données telles que la quantité de lait produite, la température, le poids et la santé des pis de la vache, et les envoient sur le téléphone de l'éleveur.
"Informés de l'état de leur troupeau, les éleveurs sont en mesure de réagir plus tôt en cas de problème de santé", explique Gervais Bisson. "La santé de l'animal s'en trouve ainsi améliorée, les frais de vétérinaire, réduits et la reproduction, facilitée."
Les robots permettent également de traire les vaches trois fois par jour au lieu de deux, ce qui accroît le rendement. Depuis la construction de sa nouvelle étable automatisée, la production du troupeau de Pascal Thuot a augmenté d'environ 50%.
Les systèmes de traite robotisée viennent en aide aux éleveurs plus âgés qui aimeraient continuer à travailler malgré les problèmes de santé causés par des années de travail physique, qui affectent souvent les genoux, le dos et les coudes. Quant aux plus jeunes, que les efforts physiques exigés risqueraient de décourager, un système robotisé capable d'alléger leur charge de travail est susceptible, selon Gervais Bisson, de les inciter à reprendre la ferme familiale.
Cette révolution robotisée se heurte néanmoins à un obstacle, celui de la pénurie de main-d'œuvre au sein des entreprises qui installent, entretiennent et réparent les systèmes de traite. Le travail demande des connaissances en plomberie, mécanique, électricité et informatique, ainsi qu'une bonne condition physique (les machines sont lourdes).
Le personnel qualifié est difficile à trouver, reconnaît Dominique Jatton, responsable chez Technico-Lait Coaticook, distributeur de matériel de traite au Québec. "En ce moment, tout le monde construit, tout le monde élabore des projets. Et comme nous recherchons le même type d'employés que les exploitations, nous sommes confrontés à une pénurie."
Le fils de Pascal Thuot prévoit de reprendre la ferme grâce aux améliorations effectuées par son père en 2014. "Les jeunes sont évidemment habitués aux ordinateurs", constate ce dernier. "Ils ont aussi envie d'une certaine qualité de vie, comme tous les gens de leur âge. Nous étions prêts à travailler dur parce que nous aimions beaucoup ce que nous faisions, et c'était ainsi que cela fonctionnait à l'époque. J'ai moins travaillé que mes parents, et mon fils ne travaillera pas de la même manière que moi. C'est un bon moyen de transmettre l'entreprise à la génération suivante."
Cet article, publié sur le HuffPost Canada, a été traduit par Catherine Biros pour Fast ForWord.
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