BONHEUR AU TRAVAIL - Ces deux mots peuvent nous paraître antithétiques mais "travail" et "bonheur" sont de plus en plus souvent associés. Ce jeudi 29 novembre, la fabrique Spinoza, un groupe de réflexion qui travaille sur la question du bonheur citoyen, organise pour la troisième année consécutive les journées du bonheur au travail. Mais le bureau, l'open space ou le comptoir qui sépare un hôte de caisse de ses clients sont-ils des lieux où l'on peut réellement se sentir heureux ? Le HuffPost s'est adressé à la philosophe Julia de Funès, co-auteur du livre "La comédie (in)humaine" et à la sociologue spécialiste du travail, Danièle Linhart afin de répondre à cette question.
Avant de se demander comment transformer sa journée de travail en un remake de la mélodie du bonheur, rappelons-nous que celui-ci s'inscrit avant tout dans le cadre du droit. C'est un lieu où vous ne pouvez pas en faire qu'à votre tête mais où vous ne devez pas non plus foncer tête baissée dans toutes les missions qui vous sont confiées par votre employeur, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d'article.
Ce que dit la loi
Car d'après le code du travail, si vous avez obligation de respecter le règlement intérieur de votre entreprise, ses horaires et son code de conduite, votre patron doit vous fournir les moyens de réaliser ce qu'il vous demande dans des conditions de sécurité optimales et en s'assurant que votre intégrité physique et morale sont préservées.
Une fois que ces bases sont posées vous pouvez vous demander si le bonheur peut-être atteint au travail. Et cela dépend de nombreux facteurs, à commencer par la façon dont vous percevez le travail.
Travailler pour voyager
Cela peut-être pour vous un moyen de vous sentir utile à la société, de donner un sens à votre vie en intégrant les valeurs d'une entreprise ou simplement un moyen d'enrichir votre existence en dehors du lieu de travail.Pour Julia de Funès, c'est ce dernier rôle qu'a pris le travail pour la nouvelle génération: "Dans un cas le travail c'est un moyen de faire autre chose comme le tour du monde, par exemple. Et dans un autre, c'est une fin en soi. Philosophiquement, on peut justifier les deux. Mais au fil des générations qui arrivent, le travail devient de plus en plus un outil. On ne travaille plus pour travailler. Ça tombe dans le non sens quand on atteint une finalité qui n'est pas extérieure au travail", explique-t-elle au HuffPost.
Qu'ils travaillent pour la gloire de leur entreprise ou pour pouvoir partir en voyage, les travailleurs ont tous besoin de sens dans ce qu'ils font. C'est une des conditions essentielles au bien-être sur le lieu de travail. Car selon les deux expertes, on ne devrait pas parler de bonheur au travail. Celui-ci appartient à la sphère privée. Pour la simple raison que chacun a en tête sa propre définition du bonheur.
Bien-être et performance
Il faudrait donc descendre d'un cran et commencer par se sentir bien avant de penser au bonheur. Et pour cela, certains groupes n'hésitent pas à materner leurs employés en investissant tous les aspects de leur vie professionnelle et personnelle. Certaines entreprises offrent à leurs salariés une conciergerie, une piscine, des cours de yoga, une salle de sport, un psy. Cela traduit avant tout la volonté d'attirer et de fidéliser des employés mais c'est aussi une forme de management moderne. Un management "maternant", selon Julia de Funès, qui prend en charge tous les aspects de la vie des salariés pour les aider à se sentir bien au travail.
"Le raisonnement de l'entreprise consiste à dire que les gens mieux dans leur peau au boulot seront plus performants. C'est au contraire parce que des gens auront la possibilité d'être performants qu'ils seront plus heureux au travail. Autrement dit, je vois le bonheur comme une conséquence de la performance et non pas comme une condition de la performance", a t-elle précisé.
Car la condition de la performance se trouve plutôt au cœur du travail. "Ce qu'il faut, c'est pouvoir développer son activité en tant que professionnel: avoir les moyens de faire son travail et pouvoir dire son mot d'expert sur ce que l'on fait. C'est d'être considéré et managé en tant que professionnel et non pas en tant que personne humaine à qui on va proposer des séances de massage, de méditation", indique la sociologue Danièle Linhart.
Choyer le salarié n'a de sens que si les conditions évoquées plus haut sont bien remplies. Et si ce n'est pas le cas, cela peut devenir un problème pour certains salariés qui ne comprennent pas qu'on leur demande d'avoir l'air heureux alors qu'on ne les met pas en condition de faire le travail correctement. Selon Danièle Linhart, cela peut même avoir des conséquences très graves sur les personnes qui subissent ces situations où l'injonction à avoir l'air heureux peut parfois sembler plus forte que la recherche d'un travail de qualité par l'employeur.
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