Il règne au Royaume-Uni une étrange atmosphère, qui rappelle la campagne du référendum pour le Brexit, au printemps 2016. Mercredi 28 novembre, les prévisions économiques catastrophiques se sont succédé. Le Trésor britannique et de la Banque d’Angleterre ont tous deux prévu une récession en cas d’une sortie de l’Union européenne (UE) sans accord. Dans son scénario noir, le premier prévoit une chute de 7,6 % du produit intérieur brut (PIB), et la seconde de 8 %, plus que lors de la crise financière de 2008. Dans ce cas, la Banque d’Angleterre anticiperait un effondrement de 30 % des prix immobiliers, un doublement du taux de chômage et une poussée de l’inflation à 6,5 %…
Mais la complète absence de réaction des marchés à la publication de ces prévisions – la livre sterling est restée stable – souligne l’évidence : ces annonces relèvent du domaine politique et sont des non-informations économiques. Non pas qu’elles soient fausses, « mais il s’agit de scénarios, pas de prévisions. Cela illustre ce qui pourrait se passer, pas nécessairement ce qui est le plus probable », souligne Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre.
En clair, il s’agit d’un simple exercice de modélisation. Celui-ci est nécessaire, par exemple pour savoir si le système financier britannique résisterait au choc extrême que constituerait un Brexit sans accord. La réponse est positive, les banques ayant suffisamment de fonds propres pour faire face, selon M. Carney.
A l’extrême opposé du champ des possibles se trouve un autre scénario, qui a beaucoup moins retenu l’attention. En cas d’un accord sur le Brexit qui couvre non seulement le commerce des biens mais aussi celui des services, y compris financiers, la Banque d’Angleterre prévoit… un léger rebond de l’économie britannique, d’environ un point de PIB supplémentaire d’ici à 2024. Explication : la croissance a perdu entre un et deux points de PIB depuis le référendum du 23 juin 2016, et il y aurait alors un effet de rattrapage.
La conclusion est sidérante : deux ans et demi après le référendum, et alors que le Brexit entre en vigueur dans quatre mois, les économistes prévoient un impact qui va de – 8 % à + 1 %, ce qui est déjà ce qu’ils disaient avant la consultation populaire. Autant dire qu’ils sont entourés d’un brouillard épais.
Cela permet à chacun d’y trouver son compte. « Dans chacun de ces scénarios, la croissance sera un peu plus faible que ce qu’elle aurait été si nous étions restés dans l’Union européenne », affirme Philip Hammond, le chancelier de l’Echiquier, farouchement opposé au Brexit. « C’est de l’hystérie, qui cherche à faire peur », réplique Jacob Rees-Mogg, député conservateur et figure de proue des « brexiters » les plus inflexibles.
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