Pétain: le GODF s'indigne contre Macron

En matière de justice prud'homale, la loi Macron, évaluée le 28 novembre, par les députés n'a pas permis de réduire les délais de traitement des dossiers.

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Du passage d'Emmanuel Macron à Bercy, sous François Hollande, il reste une loi, à laquelle il a donné son nom et qui fait l'objet d'une d'évaluation parlementaire depuis six mois. Menée par les différentes commissions de l'Assemblée nationale (affaires sociales, économiques, développement durable, lois) et présidée par le député LREM Yves Blein, elle mesure la dimension "qualitative" du texte pour la croissance et l'activité adopté le 6 août 2015. Elle doit déterminer si la loi remplit ses objectifs initiaux de "mettre en mouvement l'économie en en libérant certaines contraintes" et de "développer l'emploi et le dialogue social".

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Aucun chiffre sur le nombre d'emplois créés ou sur l'impact direct sur le PIB ne figure dans ce rapport, qui s'intéresse davantage à la mise en oeuvre de mesures aussi variées que le transport en autocar, les professions réglementées ou le travail dominical.

Pas utile de généraliser le travail du dimanche

En matière sociale, les députés se sont intéressés à deux sujets qui avaient fait polémique lors de l'adoption du texte : le travail dominical et la réforme des prud'hommes. "Pour le travail du dimanche, on peut dire que l'idée fait son chemin, estime Gilles Lurton, député Les Républicains d'Ille-et-Vilaine. La loi a atteint ses objectifs d'extension d'ouverture pour les commerçants et de protection pour les salariés, qui bénéficient désormais de contreparties négociées."

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Les députés de la commission des affaires sociales, qui ont auditionné 70 personnes pour leurs travaux, ne préconisent pas de généraliser le dispositif à tous le pays. "Quand la clientèle n'est pas là ou qu'il y a un simple report des achats d'un jour de semaine sur le dimanche, ça ne crée pas de chiffre d'affaires, donc ça ne sert à rien", analyse Gilles Lurton. Son impact sur l'emploi n'est pas mesuré précisément, mais les députés notent que le travail du dimanche a permis de "développer l'emploi étudiant". "Les salariés volontaires semblent tous satisfaits de ce choix car ils gagnent un peu plus d'argent", ajoute Fadila Khattabi, députée LREM de la Côte d'Or.

Les élus relèvent par ailleurs que les syndicats sont toujours aussi remontés. "Ce ne sont pas toujours les syndicats majoritaires dans les entreprises, nuance Fadila Khattabi, mais les centrales attaquent chaque accord signé." "Il ne faut rien imposer d'en haut mais faire confiance aux acteurs locaux, capables de s'entendre", conclut Gilles Lurton.

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Le travail dominical a aussi été évalué par les députés de la commission économique. "Pour la ville de Paris, cette extension des horaires d'ouverture a été très positive, indique Philippe Huppé, député LREM de l'Hérault. La mise en place de 12 zones touristiques internationales (ZTI) permet de lutter contre la concurrence des sites internet."

Ses membres souhaitent étendre la notion de ZTI à l'ensemble de la Capitale, ce qui "serait plus simple et plus lisible pour tout le monde et profiterait à toute la ville", mais contre l'avis de leurs collègues de la commission des affaires sociales. "Le besoin n'existe pas partout, argumente Gilles Lurton. Nous avons auditionné les commerçants de la place Vendôme, tentés par l'ouverture le dimanche. Ils ont finalement reculé compte tenu des contreparties à accorder aux salariés: ils n'avaient rien à y gagner."

Des prud'hommes moins saisis, mais toujours aussi longs

La loi Macron devait aussi réformer la justice prud'homale, en limitant notamment le nombre de dossiers. Objectif atteint: en seulement trois ans, le nombre de contentieux a baissé d'un tiers (de 184 000 à 127 000 dossiers). En revanche, le rapport ne note aucune amélioration en matière de délai, alors que la réforme de la procédure de saisine devait réduire les temps de traitement. "En 2017, il fallait 17,3 mois en moyenne pour obtenir un jugement, rappelle Gilles Lurton. Pour les affaires renvoyées en départage*, ce délai atteint même 32 mois et est en légère augmentation."

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"La justice manque de moyens humains pour traiter les affaires, regrette Yves Blein. Mais la baisse en volume signifie peut-être que les professionnels y passent plus de temps et donc que la justice instruit mieux les dossiers?" Gilles Lurton ose une autre hypothèse, moins optimiste : "Des gens ont peut-être renoncé à saisir la justice. Bien sûr, il y a l'effet dissuasif du barème plafonnant les indemnités instauré par les ordonnances, mais il ne faut pas exclure d'autres raisons liées à la modification des règles de saisine. Il faudrait poursuivre nos travaux pour en avoir le coeur net. Je ne suis pas allé au bout de la question."

* Quand les conseillers prud'hommaux ne parviennent pas à se mettre d'accord et renvoient le dossier devant un magistrat professionnel.

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