Publicité

Quand Julien Clerc et Alain Delon inspiraient les grandes pages de Pif Gadget

Christophe Quillien évoque dans son ouvrage «Pif Gadget, 50 ans d'humour, d'aventures et de BD» l'aventure exaltante du magazine de bande dessinée, né en 1969. Droits réservés

Christophe Quillien, spécialiste de bande dessinée, offre dans un émouvant livre l'histoire du magazine qui va fêter ses cinquante ans en février 2019. L'expert révèle quelques perles de son ouvrage.

Pif et Hercule, Placid et Muzo, le Concombre masqué, Rahan ou le Docteur Justice... Autant de personnages qui ont entamé leurs histoires dans Vaillant, dès 1945, pour se développer, 24 ans plus tard, dans Pif Gadget toujours sous l'égide du Parti communiste.

Le spécialiste Christophe Quillien les rappelle à notre bon souvenir, dans l'ouvrage Pif Gadget, 50 ans d'humour, d'aventures et de BD, chez Hors Collection. Richement illustré et fourmillant de détails, cet ouvrage enchanteur évoque, à travers les héros qui l'ont animé, l'aventure exaltante du magazine de bande dessinée le plus diffusé de France, dès sa création en 1969.

L'hebdomadaire fait alors la joie des plus petits et des plus grands lorsque fantaisies animalières ou gags d'une page s'entremêlent aux récits d'aventure et sagas historiques. Sans oublier le fameux gadget, qui ambitionne d'épater et de divertir le jeune lecteur tout en l'éduquant.

Souvenez-vous! Le sachet miraculeux de poudre de vie faisant renaître ses fameux Pifises, sorte de petits crustacés translucides qui fascinèrent la France entière. Ou l'herbe magique, les pois sauteurs du Mexique, la bouture d'épicéa... qui résonnent encore dans le cœur de ses anciens adeptes.

Qui se rappelle, en revanche, que Julien Clerc a figuré parmi les héros de Pif Gadget, ou que l'héroïsme de Corto Maltese s'est déployé dans ses pages? Fort de son expertise, Christophe Quillien présente, à l'aube de ses cinquante ans, dix anecdotes croustillantes d'une publication née des idées de la résistance dont les valeurs humanistes ont bercé notre enfance.

 Pif remplace un héros américain

«Le chien Pif est créé par l'Espagnol José Cabrero Arnal en 1948, celui qui, deux ans auparavant, a inventé les personnages de Placid et Muzo, deux autres stars du journal. Il remplace alors Félix le Chat publié dans L'Humanité. Or en 1948, nous sommes dans les débuts de la Guerre froide et le journal n'est évidemment pas très favorable aux États-Unis. Avoir un héros issu des bandes dessinées américaines fait alors désordre. Par une savoureuse ironie du sort, c'est ce même Félix qui a été l'une des influences majeures d'Arnal et qui l'a incité à se consacrer à la bande dessinée. En fait, pas mal de séries réalistes ont été inspirées de BD américaines. Les scénaristes avaient lu Flash Gordon ou Les Pionniers de l'espérance. Le comics dominait à cette époque.»

Droits réservés

Des super-héros dans Pif

«Nanti de sa combinaison bleue, de ses bottes et de sa cape rouge, Supermatou, clin d'œil ironique à Superman, est lancé en 1975 dans les pages du magazine. Dans la vraie vie, il se prénomme Modeste et le jour, il est un élève comme tous les autres. La nuit, quand la ville est endormie, Modeste Minet se transforme en Supermatou et voit sa puissance physique s'accroître. Dix ans plus tard, Superom, Spiderwoman et Goldomax survolent Paris à bord de leur auto volante pour devenir les héros d'une parodie allègre des histoires de super-héros.»

● Julien Clerc, héros de BD

«Très populaire dans les années 1970, le chanteur a troqué ses habits de chanteur pour entrer dans ceux de corsaire Julien. La série qui n'a pas duré longtemps, a fait souffler un vent d'originalité sur les pages du journal, mélangeant aventure, fantaisie et fantastique.»

«Corsaire Julien», série annoncée comme «la première bande dessinée racontée et jouée par Julien Clerc». Corsaire Julien : p. 151 : Corsaire Julien, n° 329, juin 1975 par Alexis (Dominique Vallet)

● Alain Delon, modèle de Docteur Justice

«En juin 1970, est créé le docteur Benjamin Justice, attaché à l'Organisation mondiale pour la santé. Ne ressemblant à aucun héros connu, l'homme est plutôt beau gosse et est inspiré du physique... d‘Alain Delon. C'est un homme de conviction, prompt à démasquer l'hypocrisie des puissants et à venir en aide aux populations locales. Il dispose d'un atout précieux: il maîtrise les arts martiaux. Sans parler du «Kiaï», ce cri qui paralyse l'adversaire et qui a fait fantasmer des générations d'écoliers, et que l'on appelle aussi le «cri de la vie».»

 Corto Maltese déroute les jeunes lecteurs

«Hugo Pratt rencontre le rédacteur en chef Georges Rieu en Italie qui lui dit de passer le voir au journal si ce dernier vient à Paris. Un mois plus tard, le dessinateur se retrouve au chômage et débarque dans les bureaux de Pif. Corto naît comme héros dans Pif. Il y fait son entrée, le 30 mars 1970, avec l'histoire Tristan Bantam. Pratt développe alors le personnage de Corto, qui n'était qu'un des multiples protagonistes trois ans auparavant dans La Ballade de la mer salée. Le personnage déroute les jeunes lecteurs. Richard Médioni, pilier du journal auteur de La véritable histoire de Pif Gadget, raconte dans un hors-série de L'Express, consacré en 2015, au dessinateur, que Corto Maltese arrivait systématiquement dernier aux sondages effectués auprès d'eux. Et qu'à chaque fois qu'une histoire de Pratt était diffusée, les ventes baissaient de 20.000 exemplaires la semaine suivante.»

● Les pois sauteurs du Mexique, gadget empoisonné?

«C'est lors d'un voyage aux États-Unis, que le directeur commercial André Limansky, découvre le fameux gadget. Après avoir bravé les cartels mexicains pour importer des millions de petits pois sauteurs, les responsables de Pif tombent sur quelques lignes d'une revue scientifique selon lesquelles ils pousseraient sur un arbuste qualifié «d'arbre à flèche». Selon une thèse publiée à Cuba, le bois de cet arbre contiendrait un poison utilisé pour tuer le gibier. Gosse panique à bord, d'autant plus que le journal avait prévu un gros tirage. Des enfants auraient pu en ingurgiter et se retrouver à l'hôpital. La direction prend contact avec des scientifiques du CNRS qui les analysent en urgence. Dans l'attente des résultats, André Limansky, persuadé de leur innocuité, n'hésite pas à en avaler une poignée devant le comité de direction. Heureusement, les analyses concluront à l'absence de tout danger.»

● Les Pifises respirent...par les pieds

«En avril 1970 paraît un gadget qui devait rester célèbre, la poudre de vie. Chaque numéro de Pif d'un sachet contenant les œufs d'un crustacé marin minuscule, l'Artemia salina. C'est une fois encore André Limansky qui est à l'origine du célèbre gadget, qui a vu une publicité dans un journal américain qui proposait ces petits animaux nommés les Sea Monkeys, singes de mer en français. Il se rend outre-Atlantique pour en acheter, sans savoir qu'en France ils étaient utilisés par certains pêcheurs. À son retour, il ne reste plus qu'a leur trouver un nom «vendeur» et à faire rêver le lecteur en créant toute une mise en scène incroyable autour des pifises. C'est ainsi qu'on apprend que le pifise ne possède qu'un seul œil et qu'il respire...par les pieds.»

● Rahan dessiné au départ comme un Gaulois

«Rahan, né le 24 février 1969, est né de la collaboration entre le scénariste Roger Lécureux et le dessinateur André Chéret. Si les premiers croquis proposés par Chéret représentent des personnages à l'allure simiesque qui ne correspondent pas à la vision de Lécureux, le dessin d'un Gaulois blond et costaud retient l'attention du scénariste: “Je n'ai eu qu'à déshabiller mon Gaulois. Je lui ai juste laissé un pagne, j'ai remplacé sa chaîne par un collier de griffes, je l'ai armé d'un couteau. Rahan était né!“, a raconté le dessinateur dans un entretien.»

● Quand Couik rencontre Rahan

«Couik, l'oiseau préhistorique de la série humoristique portant son nom créé par Kamb a eu l'honneur de recevoir Rahan en «guest-star». Dans l'une de ses histoires, l'oiseau trouve un collier de griffes qui finit autour du cou de Présidok, un personnage aux gros sourcils avatar préhistorique de Georges Pompidou. Quand brusquement Rahan, furieux arrive pour réclamer son collier, il ne se fait pas prier...»

● Teddy Ted, un cow-boy pas comme les autres

«Teddy Ted est né en 1963 dans les pages de Vaillant. C'est un cow-boy avec la mentalité traditionnelle de Pif , qui s'éloigne du stéréotype des héros américains, véhiculé par le cinéma de l'époque. Tourné vers les Indiens, il est proche du peuple dominé. Sans volonté d'endoctrinement, le personnage s'inscrit dans les valeurs du journal qui ambitionne là encore de divertir le jeune lecteur tout en l'éduquant. Teddy Ted, le redresseur de torts, lutte contre un certain nombre de préjugés tels que le racisme ou la dictature et préconise des valeurs humanistes, l'égalité entre les peuples, à l'exemple de Rahan qui apporte sa connaissance à «ceux qui marchent debout».

Pif Gadget, 50 ans d'humour, d'aventures et de BD, Christophe Quillien, Hors Collection, 29 euros

» Suivez toutes les infos du Figaro culture sur Facebook et Twitter.

SERVICE: Retrouvez toute la BD en ligne avec izneo

Quand Julien Clerc et Alain Delon inspiraient les grandes pages de Pif Gadget

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
2 commentaires
  • Lilibus Lilib

    le

    J'adorais Corto Maltese. Je trouvais son univers fascinant ! Il était même mon héros préféré (avec le beau docteur Justice, qui a ensuite donné un film). Et puis il y avait Corinne et Jeannot (Tabary), Gai Luron (Gotlib)...

  • Emma Bougakov

    le

    Magnifique magazine que Pif Gadget !

À lire aussi