Le train autonome est sur les rails

LE PARISIEN WEEK-END. Les premières rames sans conducteur devraient rouler en France d’ici cinq ans. Grâce à elles, la SNCF espère accroître le trafic et limiter les retards.

    La voiture autonome était la vedette du dernier Mondial de l'automobile, début octobre à Paris, au point d'éclipser un autre événement majeur survenu quelques semaines plus tôt. Le 12 septembre, la SNCF et ses partenaires, Alstom, Altran ou encore Bombardier, ont annoncé l'arrivée en France, d'ici cinq ans, des toutes premières rames sans conducteur. « Le train autonome, c'est l'avenir de la mobilité. Toutes les briques pour le construire existent déjà. Il nous reste juste à les combiner », a déclaré Guillaume Pepy, patron de la compagnie ferroviaire.

    De l'extérieur, ces nouveaux modèles ne différeront guère des trains actuels. Mais ils seront intégralement pilotés par des ordinateurs. Après une première phase de test des prototypes en 2023, ces trains d'un nouveau genre devraient être déployés sur l'ensemble du réseau national deux ans plus tard.

    Imminente, cette révolution sur rails démarrera probablement bien avant la commercialisation de la fameuse voiture autonome. Ce changement, s'il paraît moins spectaculaire à première vue, sera loin d'être anodin. L'automatisation intégrale du réseau devrait permettre à la SNCF d'améliorer considérablement le service rendu aux voyageurs. La compagnie pourra faire circuler davantage de rames sur une même voie, avec plus de régularité. « Sur un Paris-Lyon, on envisage de faire passer 16 rames par heure au lieu de 13 aujourd'hui, et diminuer d'un tiers le nombre de retards », annonce, enthousiaste, Luc Laroche, directeur du projet à la SNCF.

    La capacité de transport, pour les passagers comme pour le fret, s'en trouvera augmentée. Et ce n'est pas tout. En améliorant la gestion de la vitesse et les phases d'accélération et de freinage selon les trajets parcourus, la consommation électrique des trains baissera de 15 % à 20 %.

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    Précieux radars et lasers

    Pour parvenir à cette révolution technologique, le secteur ferroviaire n'est pas parti de zéro. Ses chercheurs ont profité des avancées obtenues ces vingt dernières années sur les capteurs, radars, lidars – technologie de détection par laser – et autres composants électroniques embarqués, destinés aux futurs avions et voitures autonomes. Ils ont aussi bénéficié de l'expérience des différents métros automatisés à travers le monde, à l'image du pionnier mis en service à Lille, en 1983, ou des lignes sans conducteur à Paris.

    Principale différence, et non des moindres, dans le cas du train autonome, il faut arriver à faire circuler des rames en circuit ouvert, c'est-à-dire en gérant les risques d'obstacles et en tenant compte de la signalisation latérale, comme les feux. « Nous testons déjà certaines fonctions de ce futur train, telles que la géolocalisation. La gestion des aléas et des pannes loin du quai fera partie de nos prochains défis », précise Luc Laroche.

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    Un voyage historique en Australie

    La compagnie française n'est pas la seule à s'être lancée dans la course. En Chine et au Japon, plusieurs prototypes sont dans les tuyaux, mais, secret industriel oblige, très peu d'informations filtrent sur leur état d'avancement.

    En Australie, en revanche, une première étape importante vient d'être franchie. En juillet dernier, un premier train sans conducteur a circulé entre Tom Price et Cape Lambert, transportant 28 000 tonnes de minerai de fer sur 280 kilomètres. Une première mondiale. Le train était totalement piloté à distance, à 1 500 kilomètres de là. L'événement a toutefois eu lieu dans une région plutôt désertique, ce qui facilitait la tâche. « Cela fait dix ans que nous travaillons sur ce projet. Nous avons passé cette première étape et, en un sens, on peut dire que nous avons construit le plus grand et le plus long robot au monde », a fièrement commenté Jesse Riseborough, porte-parole de Rio Tinto, le groupe minier à l'origine du projet.

    Niveau sécurité, tous les acteurs interrogés, à la SNCF comme chez Rio Tinto, se veulent rassurants. Ils promettent même une meilleure gestion des risques lors de ces futurs voyages autonomes, grâce au travail complémentaire de l'intelligence embarquée et... du conducteur ! Ce dernier restera dans un premier temps à bord pour informer les voyageurs, intervenir dans le cas d'un éventuel pépin que la machine n'aurait pas su gérer seule, mais aussi et surtout pour rassurer les passagers.

    LE TRAM PASSE LE TEST

    En septembre dernier, un tramway autonome conçu par l'entreprise Siemens s'est déplacé sur 6 kilomètres. Une première mondiale, organisée à Potsdam, en Allemagne. Le prototype a expérimenté en conditions réelles les limitations de vitesse mais aussi la présence imprévue de piétons et de voitures. Le test s'est révélé concluant. Un conducteur était présent à bord pour reprendre la main au besoin, mais le tram a suivi son chemin sans aide.

    « Ce projet reste au stade du développement, mais il va nous aider à cerner les situations où le tram doit encore apprendre. Demain, nous espérons que le tramway autonome prendra sa place dans le trafic, offrant plus de sécurité et de fluidité qu'aujourd'hui », confie Christoph Klaes, l'un des responsables du projet chez Siemens Mobility. Une bonne nouvelle, sachant qu'un tramway, par sa capacité, peut remplacer jusqu'à 150 voitures.