La justice allemande a ordonné la perquisition, jeudi 29 novembre, de six locaux de Deutsche Bank, dont le siège du groupe, à Francfort, dans une enquête pour blanchiment d’argent déclenchée par les révélations des « Panama Papers ».
La première banque allemande, qui peine depuis des années à redresser ses recettes, est soupçonnée « d’avoir aidé des clients à créer des sociétés dans des paradis fiscaux », explique le parquet de Francfort dans un communiqué.
Si les structures « offshore » ne sont pas, par elles-mêmes, illégales, elles permettent « de blanchir de l’argent issu d’infractions pénales », ce qui contraint les banques à « signaler » aux autorités tout soupçon à ce sujet, précise la même source.
Or, Deutsche Bank « n’a pas communiqué les soupçons de blanchiment à l’égard de sociétés offshore pratiquant la fraude fiscale », avant la révélation en avril 2016 du scandale des « Panama Papers », manquant ainsi à son obligation légale, estime le parquet.
Selon les magistrats de Francfort, la banque disposait pourtant « d’éléments suffisants dès le début de ses relations » avec les clients basés dans des paradis fiscaux.
Un volume d’affaires de 311 millions d’euros
Sur la seule année 2016, explique le parquet, une succursale de Deutsche Bank sise aux Iles vierges britanniques a ainsi pris en charge « plus de 900 clients représentant un volume d’affaires de 311 millions d’euros ».
Formellement, le droit allemand ne prévoyant pas de poursuites contre une entreprise, les investigations visent « deux salariés de Deutsche bank âgés de 46 et 50 ans, ainsi qu’un certain nombre de responsables non identifiés de l’entreprise », d’après le parquet.
Quelque 170 magistrats, policiers et agents des services fiscaux ont commencé jeudi au petit matin la fouille des locaux de la banque à Francfort, Eschborn et Gross-Umstadt, saisissant de « nombreux documents écrits et électroniques ». Le parquet n’a fait état d’aucune arrestation.
« Il est exact que la police enquête actuellement dans plusieurs sites de notre banque, (…) en lien avec les “Panama Papers” », a confirmé Deutsche Bank, promettant de « coopérer pleinement ».
Longue liste de difficultés
Deutsche Bank est la deuxième grande banque européenne rattrapée par le scandale des Panama Papers, révélé par Le Monde et 108 autres rédactions en 2016 avec la fuite de millions de documents confidentiels issus du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, détaillant plus de 214 000 sociétés offshore ainsi que leurs actionnaires.
En avril 2016, déjà, le siège de la banque française Société générale avait été perquisitionné dans le cadre d’une vaste enquête ouverte en France pour « blanchiment de fraudes fiscales aggravées » et visant 500 suspects.
Pour la Deutsche Bank, qui dégringole depuis dix ans dans la hiérarchie des banques mondiales, est visée par des milliers de procédures judiciaires et souffre en Bourse, cette enquête s’ajoute à une longue liste de difficultés.
Fin septembre, le gendarme allemand des marchés avait pris la décision inédite de déclencher un audit pour évaluer les progrès du groupe dans la lutte contre la criminalité financière (blanchiment, financement du terrorisme ou du crime organisé). « Nous sommes d’accord avec la Bafin sur le fait que nous pouvons nous améliorer », avait reconnu Deutsche Bank.
En janvier 2017, la première banque allemande avait écopé d’une amende de près de 630 millions de dollars dans le cadre d’une enquête des autorités américaine et britannique pour blanchiment d’argent en provenance de Russie.
La semaine dernière encore, Deutsche Bank a été éclaboussée par les investigations visant la banque danoise Danske Bank, dont la banque allemande a été la correspondante pendant huit ans.
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