Emmanuel Macron est en lutte contre les fake news. Il a lui même été victime de certaines d'entre-elles lors de la campagne présidentielle.

C'est en réaction aux fausses informations qui ont circulé sur son compte pendant la campagne électorale de 2017 qu'Emmanuel Macron a décidé de faire voter une loi contre les "fake news". Bonne question, mauvaise réponse.

MAXPPP

Cette semaine, l'actualité est très "fake news", ces fausses informations qui naissent et circulent sur Internet et qui, s'affolent les augures, pourraient court-circuiter durablement les processus démocratiques, comme lors de scrutins récents, la présidentielle américaine ou le référendum sur le Brexit, pour ne citer que les plus emblématiques. On y croise une loi controversée, une étude sociologique et une blague potache à haute signification.

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"Contre la manipulation de l'information"

La loi controversée, c'est celle qu'a définitivement adoptée le Parlement le 20 novembre. Voulue et annoncée par Emmanuel Macron au début de l'année, à la surprise de ses propres équipes et de la ministre de la Culture de l'époque, Françoise Nyssen, la loi "relative à la lutte contre la manipulation de l'information" suscite depuis sa présentation précipitée, en février dernier, la réprobation de tous les acteurs concernés... quand ils ne sont pas encartés LREM.

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Principaux reproches : des atteintes à la liberté d'expression et de communication, dont les adversaires du texte se demandent légitimement qui fait le tri et sur quels critères et pourquoi cette liberté ne devrait s'appliquer qu'aux seules informations "vraies" ; l'inadéquation entre l'ampleur de la menace supposée et le dispositif. J'y ajoute la très probable inefficacité de cette usine à gaz tellement française et, plus grave, ses effets secondaires pernicieux, quand on sait que les consommateurs de fake news les trouvent d'autant plus savoureuses qu'elles sont dénoncées par "les élites", au premier rang desquelles la presse et les politiques. On y est.

Pour aller dans mon sens, cette très récente étude de l'Arizona State University sur ces mêmes amateurs de fausses nouvelles. On y lit que la grande majorité d'entre eux haïssent les médias, ce qui n'est pas une surprise, mais aussi que, plus ils les haïssent, plus ils perdent en lucidité, à la fois sur la valeur des informations qu'ils trouvent par ailleurs et sur leur capacité, qu'ils surestiment, à se débrouiller seuls dans la jungle de l'"infobésité". C'est là tout le paradoxe : plus je me méfie des médias, plus je me crois clairvoyant, plus je suis disposé à croire n'importe quoi.

Ma petite blague potache le prouve. Racontée par le Huffington Post, elle met en scène un twittos taquin, une photo détournée et la fachosphère, les réseaux et sites internet d'extrême droite, grands pourvoyeurs de "bobards, boniments, contre-vérités, mensonges, ragots, tromperies, trucages", comme aimeraient qu'on les appelle nos Académiciens français. A l'origine, un tweet, donc, signé d'un certain Malik, illustré par la photo d'un employé de Carrefour, dont le dos du tee-shirt mentionne qu'il est là pour aider, en français et... en arabe. Réaction immédiate, une pluie de commentaires dénonçant l'islamisation, le grand remplacement, la colonisation à l'envers, j'en passe et des moins bien élevés.

Quelques heures plus tard, Malik se dénonce dans un nouveau tweet : la photo, qu'on y découvre en version large, a été prise dans un Carrefour de Oujda, au Maroc. "On a trouvé ça marrant de piéger l'extrême droite", explique-t-il. L'histoire aurait dû s'arrêter là. Elle a viré à la farce cynique, beaucoup moins "marrante", quand d'autres twittos ont délibérément choisi, avec succès, de continuer à diffuser l'original, sans la correction. "Qu'un max de gens le voient. La plupart s'arrêteront à cette info sans chercher à savoir si c'est une fake news. Cela ne fera qu'amplifier le ras le bol de cette arabisation/islamisation du pays", a avoué l'un d'eux au Huffington Post. Quel impact aura sur lui et sa communauté de crédules consentants une loi mal ficelée et dévaluée avant même d'être promulguée ? La réponse est dans la question.

A lire ailleurs

L'enquête du Huffington Post sur la blague de Malik le twitto et ses conséquences.

Le résumé en anglais par le Nieman Lab de l'enquête de l'Arizona State University auprès de quelque 4000 personnes sur leur rapport aux fake news.

La proposition de loi "relative à la lutte contre la manipulation de l'information" sur le site de l'Assemblée nationale.

A lire sur L'Express

"Infox" à la place de "fake news"... c'est pas gagné !

La Commission d'enrichissement de la langue française propose également d'utiliser l'expression "information fallacieuse". Lire l'article sur L'Express >

Que contient la proposition de loi sur les fake news ?

Pour les élus de l'opposition, elle est synonyme de censure et de contrôle del'information, voire d'une dérive autoritaire du pouvoir, mais quecontient-elle vraiment? Lire l'article sur L'Express >

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