POLLUTION - Dans le débat actuel sur le pouvoir d'achat et la transition énergétique, on entend souvent parler du diesel, de plus en plus taxé car accusé d'être plus nocif que l'essence. Ce à quoi certains gilets jaunes répondent en affirmant qu'il est en réalité moins pollueur que l'essence.
Et pour appuyer leur argumentation, certains mettent en avant une vidéo de la célèbre émission de vulgarisation scientifique "C'est pas sorcier". On y voit Fred demander à Jamy si le "Diesel pollue vraiment moins que l'essence". "Et pourtant, c'est vrai", répond le journaliste, avant de se lancer dans une démonstration.
Cet extrait vidéo a été publié à de nombreuses reprises en novembre sur les réseaux sociaux. L'une des vidéos a même dépassé les 5 millions de vues. Alors, le diesel pollue-t-il vraiment moins que l'essence?
Pour comprendre, il faut regarder la vidéo en entier et faire attention à la date de diffusion de l'émission, intitulée "Roulez plus propre": le 30 novembre 2003.
Que dit Jamy dans la vidéo? En réalité, en dehors de l'introduction, il ne parle pas de pollution en général, mais d'un détail bien particulier. Il explique que le diesel rejette moins de dioxyde de carbone dans l'air, le fameux CO2 responsable (en grande partie) du réchauffement climatique. A l'époque, c'était une véritable certitude scientifique.
Et il y a une raison logique à cela, comme l'explique Jamy: le moteur diesel rejette de base un peu moins de CO2 et, de plus, consomme moins de carburant pour parcourir une même distance. C'est justement pour cela qu'à la fin des années 90, la France et une bonne partie de l'Union Européenne ont mis en avant le diesel... pour lutter contre le réchauffement climatique et coller au protocole de Kyoto (l'ancêtre de l'Accord de Paris sur le climat).
Cet état de fait a duré des années. La preuve avec cette publicité d'Audi au Super Bowl de 2010, où un automobiliste n'est pas arrêté par la "police de l'environnement" car il roule au "diesel propre".
Depuis, les choses ont évidemment bien changé. On a notamment découvert et prouvé scientifiquement l'impact néfaste sur la santé des particules fines et des oxydes d'azotes, émises en grande quantité par les moteurs diesels. Leurs gaz d'échappement ont été classés comme cancérigènes certains en 2012. Pire: le dieselgate est passé par là et l'on s'est rendu compte que les normes en place n'étaient pas respectées.
Et même l'argument principal mis en avant par l'Europe, la baisse des émissions de gaz à effet de serre grâce au diesel, est plus difficile à défendre. Une étude de 2017 d'une ONG affirmait que le diesel polluait plus que l'essence. Si l'étude a été critiquée (elle ne comparait pas des véhicules identiques), elle remettait tout de même en question le coût environnemental du diesel, notamment en prenant en compte la fabrication des moteurs.
Surtout, même sans cela, les normes européennes actuelles en termes de limitations d'émissions de CO2 sont maintenant très proches entre l'essence et le diesel. Depuis quelques années, les ventes de véhicules diesel s'effondrent en France et en Europe.
C'est pour cela que la loi Transition énergétique votée sous François Hollande prévoyait de rapprocher la fiscalité du diesel (historiquement plus faible) de celle de l'essence. Le tout au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. C'est dans ce cadre que les carburants augmenteront au 1er janvier. 2,9 centimes pour l'essence contre 6,5 centimes pour le diesel.
Si du côté de la science, les avantages du diesel ont fondu comme neige au soleil en 15 ans, il reste encore aux gilets jaunes les arguments sociaux et économiques pour critiquer la manière dont se déroule cette transition énergétique.
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