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Bradley Campbell : « On ne perd pas sa dignité du seul fait d’être insulté »

Selon le sociologue, le brouillage des lignes entre la parole et la violence ne permet pas aux universités américaines d’assurer complètement leur mission.

Propos recueillis par  (San Francisco, correspondante)

Publié le 29 novembre 2018 à 15h20

Temps de Lecture 3 min.

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Sociologue conservateur, spécialiste des ­génocides, Bradley Campbell a publié cette année avec le professeur Jason Manning, de l’université de Virginie-Occidentale, un livre où il développe le concept de « culture de la victimisation » (The Rise of Victimhood Culture. Microaggressions, Safe Spaces, and the New Culture Wars, 278 p., Palgrave Macmillan).

Vous êtes critique à propos du phénomène de microagressions sur les campus. Vous parlez d’une « culture de la victimisation » ?

Revenons aux fondements. La sociologie de la violence distingue la culture de l’honneur et la culture de la dignité. Dans les sociétés traditionnelles, c’est la culture de l’honneur qui prévaut : il existe une sensibilité élevée au fait d’être insulté, méprisé. On se bat en duel. On veut faire justice soi-même. Le statut moral repose sur l’honneur, la bravoure. On perd son honneur si on ne répond pas.

L’honneur a fait place à la dignité. Ça a été un grand changement dans les sociétés occidentales car la dignité n’est pas quelque chose qu’on perd. La valeur vient du seul fait d’être humain, on ne peut pas la perdre du seul fait d’être insulté. Si quelqu’un utilise la violence contre vous, vous en référez à la justice ou à la police. Il n’y a pas de déshonneur à en appeler à l’autorité ni à ignorer les affronts mineurs. Cela ne peut pas vous diminuer. L’idée est que les mots peuvent vous atteindre émotionnellement mais ils ne vous atteignent pas physiquement.

Sur les campus, nous avons noté quelque chose de différent, qui n’est du ressort ni de l’honneur ni de la dignité. Il existe une sensibilité particulière aux affronts, comme dans la culture de l’honneur. Mais on fait appel à une partie tierce : les étudiants demandent aux responsables de l’université d’interdire les intervenants qui, de leur point de vue, leur font du tort. Le statut moral, dans ce cas, est celui de la victime. Les gens sont vus comme des opprimés ou des oppresseurs. Le privilège devient un stigmate, comme la lâcheté dans la culture de l’honneur. On le voit dans l’expression check your privilege, qui est désormais renvoyée systématiquement aux gens d’opinions différentes : examinez vos privilèges.

En quoi se plaindre des biais dont on se sent victime pose-t-il un problème ? Est-ce que ça n’encourage pas à la compréhension mutuelle ?

Si vous êtes de gauche, peut-être trouvez-vous cela positif. Mais si on veut réduire les conflits entre les gens, ça n’est pas la bonne approche. En insistant sur les microagressions, vous encouragez les gens à s’offusquer de choses mineures, à magnifier leurs expériences, à interpréter les intentions des autres de la manière la plus négative.

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