La récente acquisition de la compagnie low-cost islandaise WOW Air par Icelandair illustre la consolidation progressive en cours du transport aérien en Europe, secteur plus fragmenté et moins rentable qu'aux Etats-Unis, selon les experts. "Les cinq plus gros transporteurs en Amérique du nord représentent 77% du marché contre 51% de parts de marché pour les cinq premières compagnies aériennes en Europe", explique dans une étude le cabinet de conseil Oliver Wyman.
En Europe, malgré l'amorce d'une concentration avec le mariage d'Air France et de KLM en 2004, la naissance d'IAG en 2010 (British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling) et l'absorption par Lufthansa de Brussels Airlines (2017), Swiss (2006) et Austrian Airlines (2009), les plus gros acteurs "n'ont pas encore réussi à reproduire les économies d'échelle atteintes par les plus grandes compagnies américaines", souligne l'étude.
Investissements plus difficiles en Europe
Selon des chiffres de l'Association internationale du transport aérien (Iata), le taux de marge bénéficiaire des compagnies en Amérique du Nord a atteint en 2017 11,1% contre 6,8% pour celles basées en Europe. Aux Etats-Unis, l'éclatement de la bulle internet en 2000, suivie du 11-Septembre puis de la crise financière en 2008 ont laissé une vingtaine de compagnies sur le carreau, selon Oliver Wyman.
Aujourd'hui, quatre acteurs majeurs tiennent le marché: American Airlines, Delta Air Lines, United Airlines et Southwest Airlines. Ils caracolent en tête du classement de l'Iata des compagnies aériennes en termes de nombres de passagers transportés avec pour chacun en 2017 un trafic de plus de 300 millions de passagers par an exprimé en passagers kilomètres transportés (PKT). Ryanair (157 millions) et Lufthansa (152 millions) sont les premières compagnies européennes dans ce même classement aux 7e et 8e rang.
Pour autant, explique Oliver Wyman, la situation des compagnies en Europe n'a rien à voir avec le niveau de détresse des transporteurs américains il y a dix ans. "L'enjeu n'est pas un effondrement imminent, mais plutôt l'incapacité pour de nombreux transporteurs européens d'investir, d'innover et de se développer à un niveau leur permettant de faire face aux concurrents internationaux - voire de les devancer", selon l'étude.
Trouver des niches
L'enchaînement fatal est connu. "Quand un secteur est moins concentré, il est moins discipliné, ce qui peut mener à une croissance de capacités plus forte que la croissance de la demande, puis à une baisse des prix, puis à une baisse des marges et enfin à une difficulté à financer son avenir" et ce sont "les plus faibles qui passent à la trappe en premier", explique à l'AFP Olivier Fainsilber, expert en transport aérien au cabinet de conseil Oliver Wyman.
Si, selon les experts, les barrières d'entrée sur le marché du transport aérien sont plutôt faibles, il faut investir pour tenir, notamment avec l'arrivée massive des nouvelles technologies liées à l'intelligence artificielle. Alitalia, Air Berlin, la britannique Monarch et plus récemment la chypriote Cobalt et la danoise Primera Air ont fait les frais de la guerre des prix.
Avant le mariage forcé, les coentreprises, alliances capitalistiques ou coopération dans les services sont, selon les experts, les pistes exploitées par les compagnies historiques pour créer des synergies face à leurs concurrents -notamment low-cost- sur certaines routes très concurrentielles comme les liaisons transatlantiques ou vers l'Asie. Des opérateurs historiques comme Air France-KLM, avec sa compagnie à coûts réduits Joon, ou IAG avec sa "low-cost" long courrier Level, ont créé de nouvelles filiales pour occuper le terrain face à l'émergence d'une concurrence à bas coûts sur les longues distances.
Pour un nouvel entrant, le défi est avant tout de trouver "des territoires vierges, des niches". "Ca peut être une géographie, ça peut être des routes, mais en Europe occidentale il y en a de moins en moins", commente Mathieu Blondel, expert en transport aérien au cabinet Arthur D. Little. "Il est toujours aussi facile de se lancer, mais de plus en plus difficile de trouver un +espace respiratoire+ sur lequel vous serez assez performant pour survivre", ajoute-t-il.
(Avec AFP)