Interdiction de la fessée : que risquent les parents ?

Interdiction de la fessée : que risquent les parents ? La proposition de loi portée par le Modem a été votée en première lecture à une très large majorité dans la nuit de jeudi à vendredi. Le texte vise à interdire "toute violence éducative ordinaire".

[Mis à jour le 30 novembre 2018 à 12h30] Porté par la députée Modem Maud Petit, le texte de loi visant à interdire la fessée ainsi que toute autre "violence éducative ordinaire" a été adopté en première lecture à 51 voix pour, 1 contre et 3 abstentions. Une seule élue a voté "contre" le texte, Emmanuelle Ménard. Selon elle, cette loi "dépouille les parents de leurs prérogatives". Le député LR Raphael Schellenberger, qui s'est abstenu lors du vote, a de son côté dénoncé "un texte qui n'est que symbole et communication". En portant cette proposition de loi à l'Assemblée, la députée centriste a son texte avait "une visée pédagogique" et a rappelé qu'il ne prévoyait pas de sanctionner les parents qui continueraient d'user de ce type de violence envers les enfants. La ministre de la Santé a ajouté que bien qu'aucune sanction ne soit prévue, le texte n'était pas simplement "hautement symbolique" puisqu'il permettait "de rompre avec le droit de correction", jusqu'ici toléré par le Code civil.

La députée Modem avait déjà essayé de faire voter cette loi en début d'année, sans succès. En 2016, un amendement qui interdisait ces violences avait pourtant été voté. Mais cet amendement a été censuré pour des raisons de procédure par le Conseil Constitutionnel. Le nouveau texte de loi prévoit d'interdire la fessée, mais aussi le chantage, les cris ou les gifles. Selon le texte examiné à l'Assemblée, "tout titulaire de l'autorité parentale" se verra dans l'interdiction d'"user de moyens d'humiliation, tels que la violence physique ou verbale, les punitions ou les châtiments corporels". 85% des parents auraient recours à des violences éducatives selon la Fondation pour l'Enfance.

Pas de sanctions pénales

Le texte viendra compléter l'article du Code Civil, lu lors des mariages, d'une formule revue en séance pour qu'elle soit "plus concise". La proposition entend donc intégrer le fait "que l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques" à l'article. L'article initial prétendait que l'autorité parentale "appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Il était en 2016 complété de la mention "et à l'exclusion de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles", mais cette mention a disparu avec l'annulation par le Conseil Constitutionnel en 2017 de la première proposition. Etant donné que la proposition de loi a été votée , elle a aboli "ce droit de correction". Les parents qui continueraient malgré tout d'user de violence à l'encontre de leurs enfants ne seront donc pas sanctionnés pénalement.

De graves conséquences sur les enfants

Lorsque les parents utilisent des châtiments corporels, une grande majorité d'entre eux estiment le faire de manière "éducative". Agnès Buzyn, la ministre de la Santé a apporté son soutien au texte en déclarant qu'on "n'éduque pas par la peur" et que cette violence "prétendument éducative" a "des conséquences désastreuses sur le développement de l'enfant". Plusieurs études ont validé l'importance de lois interdisant ce type de violence après avoir démontré ces "conséquences désastreuses" de l'usage des châtiments corporels sur les enfants. En 2016, une méta analyse qui regroupait des recherches menées sur 160 000 enfants a démontré que la fessée "n'avait aucune issue positive pour un enfant". En effet, selon ces études, un enfant victime de châtiments corporels aurait plus de risques de développer une mauvaise estime de lui-même et d'accumuler beaucoup de violence en lui qu'il peut plus tard rediriger vers les autres. L'enfant victime de punitions corporelles  est également susceptible de développer des troubles anxieux. Avec ce texte, Maud Petit espère faire comprendre qu'il est inadmissible "d'éduquer" son enfant en usant de la violence. Il est aujourd'hui déjà interdit d'en user à l'encontre des enfants. Cette loi permettrait à la France d'être en conformité avec les traités internationaux et de devenir le 55e pays au monde à interdire ce type de violences.