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La chronique de Roger-Pol Droit. De la vérité en démocratie

A propos dans son nouvel essai de la philosophe Myriam Revault d’Allonnes, « La Faiblesse du vrai ».

Publié le 29 novembre 2018 à 18h00 Temps de Lecture 2 min.

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La Faiblesse du vrai. Ce que la post-vérité fait à notre monde commun, de Myriam Revault d’Allonnes, Seuil, « La couleur des idées », 144 p., 17 €.

Le président américain Donald Trump désigne le journaliste de CNN Jim Acosta : « You are fake news », lui a-t-il lancé durant une conférence de presse à la Maison Blanche, le 7 novembre 2018.

Chacun diffuse aussitôt, largement, ce qui lui passe par la tête. Dans l’instant, il se trouvera approuvé et relayé par tous ceux qui ont même lubie, même folie, même amour ou même haine. Alors, le bruit court que nous aurions basculé dans une époque tout autre, un nouveau régime de discours et de vérité. Fini, dit-on, le vieux consensus relatif à la réalité objective. Ter­minée, poursuit-on, l’antique conviction que les faits sont têtus et qu’ils se distinguent des interprétations.

Contraintes abolies et amarres larguées

Désormais, nous serions dans l’ère d’après, celle de la postmodernité et de la « post-vérité » – post-truth, déclaré « mot de l’année », en 2016, par les respectables Oxford Dictionaries. Ces expressions ne désignent pas simplement une succession chronologique. Elles disent avant tout les contraintes abolies et les amarres larguées. « Vrai » et « faux » ne se distingueraient pas plus, dorénavant, que nuances de gris ou af­faires de goût. Voilà une monstrueuse débâcle de la pensée. ­Soutenue par grand nombre d’imbéciles, voire par quelques intelligences égarées, elle est intellectuellement toxique. Et, surtout, politiquement désastreuse.

C’est ce que montre dans son nouvel essai, La Faiblesse du vrai, la philosophe Myriam Revault d’Allonnes. Elle y rappelle combien, notamment depuis le référendum sur le Brexit et l’élection de Donald Trump, le paysage de l’actualité est envahi et pollué par les « fake news », locution qu’il est malaisé de traduire. Car elles sont différentes des « fausses nouvelles ». Plutôt que des informations illusoires ou des erreurs de fait, ce sont des mensonges purs et simples. Mais qui ne sont plus assumés ni dénoncés comme tels. Les traquer est donc un devoir. Y ­consentir serait donc un naufrage. Reste que pareille politesse élémentaire de l’information ne saurait suffire. Car la question est autrement complexe. Car il s’agit de comprendre ce que menace, de notre vie commune, ce chambardement des évidences.

Probable et vraisemblable

Ce qui est en jeu, fondamentalement, ce sont les relations entre vérité et politique. Elles ont suscité, depuis l’Antiquité, deux grands modèles philosophiques opposés, souligne Myriam Revault d’Allonnes. Le modèle de Platon, et sa postérité jusqu’à nos jours, met aux commandes une vérité absolue. Tout doit alors se soumettre à la vérité, unique et idéale. Les risques sont connus : dictature de la vertu, pureté totalitaire, autoritarisme et conformisme. A l’opposé, le modèle d’Aristote insiste sur le rôle central de la contingence et des ­décisions humaines. Dès lors, dans ces antagonismes permanents et ces désaccords inévitables qui ­forment l’essence même du politique, ce qui compte est le probable plutôt que le certain, le vraisemblable plutôt que le vrai, la puissance de convaincre plutôt que celle de connaître.

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