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Algérie : un texte au vitriol d’Abdelaziz Bouteflika contre « des prédateurs et des cellules dormantes »

A cinq mois de l’élection présidentielle, le discours lu au nom du chef de l’Etat semble annoncer sa candidature et s’en prend violemment à ses détracteurs.

Par  (Alger, correspondance)

Publié le 29 novembre 2018 à 18h18, modifié le 29 novembre 2018 à 18h18

Temps de Lecture 4 min.

Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, arrive à l’inauguration d’une école religieuse dans la banlieue d’Alger, le 15 mai 2018.

« Discours incendiaire de Bouteflika ». La « une » du journal arabophone El Khabar, jeudi 29 novembre, résume bien la tirade prononcée la veille, au nom du chef de l’Etat algérien, par le secrétaire général de la présidence, Hebba El Okbi, lors d’une rencontre entre le gouvernement et les walis (préfets).

La charge, d’une violence inaccoutumée, dénonce sans les identifier des « cercles de prédateurs », des « cellules dormantes », des « aventuristes » (sic) qui « dissimulent les faucilles du massacre, qu’ils n’hésiteront pas à utiliser pour faire basculer le pays dans l’inconnu ».

Le message présidentiel semble une réponse directe à ceux qui s’opposent à ou s’inquiètent de l’éventualité d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, dont l’état de santé n’a cessé de se dégrader depuis un accident vasculaire cérébral en 2013. Il pointe ceux qui « réduisent les enjeux du présent et de l’avenir au changement et à la succession des responsables et des personnes, et entreprennent, pour des raisons obscures, de propager cette idée ».

« Nous continuerons nos efforts »

Après avoir évoqué succinctement le bilan des quatre premiers mandats d’Abdelaziz Bouteflika – notamment la sortie de l’Algérie « de la spirale de l’insécurité et du sous-développement » –, le texte se poursuit par l’affirmation que ce qui a été « accompli jusqu’à présent n’est qu’une étape dans un long processus. »

« Oui, de nombreux défis nous attendent, et nous ne pouvons, après toutes ces réalisations, nous attarder sur des thèses pessimistes et défaitistes, qui n’ont d’objectif que de freiner notre marche […] Nous continuerons nos efforts car nous sommes convaincus que nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère avec de nouvelles priorités et des orientations différentes », indique le texte.

Dans plusieurs journaux algériens, ces passages sont clairement interprétés comme l’annonce d’une candidature. « Bouteflika affiche son intention de briguer un cinquième mandat », titre ainsi le quotidien francophone El Watan.

Cette possibilité est clairement sur la table, après les appels répétés en ce sens des partis dit de « l’allégeance », notamment le Front de libération nationale (FLN, le parti présidentiel) et le Rassemblement national démocratique (RND). La candidature du chef de l’Etat ne constituerait donc pas une surprise. Mais la violence du discours suscite l’étonnement.

Qui sont ces forces sournoises, ces « cellules dormantes » aux « intentions inavouées » qui dissimulent dans leur dos « les faucilles du massacre », objet du courroux présidentiel ?

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Ceux qui, dans l’opposition, s’affichent publiquement contre le cinquième mandat ne sont pas nombreux, et ils ne pèsent pas lourd dans un système politique verrouillé. Cette opposition, plus présente sur les réseaux sociaux que sur le terrain, est peu influente. Ses critiques peuvent être agaçantes pour le pouvoir, mais pas au point de justifier un texte d’une dureté sans précédent depuis 1999, année de l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika.

Polémique subite

Pour le site d’information Tout sur l’Algérie (TSA), ce dernier a « peut-être confirmé qu’il a bien l’intention de briguer un cinquième mandat » mais son projet se heurte visiblement à des résistances : « D’où émanent ces résistances ? Mystère. Mais la rhétorique utilisée par Bouteflika, qui ne désigne jamais ses cibles, laisse penser qu’il vise des parties internes et externes [au pays]. »

A l’extérieur, la sortie de l’ancien patron des services français Bernard Bajolet, qui avait parlé il y a quelques semaines de « momification du pouvoir algérien », n’était pas passée inaperçue. Certains observateurs algériens y ont vu un message de la diplomatie française.

Plus récemment, un rapport du think tank International Crisis Group pointait la « paralysie politique » entravant toute possibilité de sortie du statu quo économique alors qu’une crise point « dès 2019 », sous l’effet notamment de la baisse des revenus pétroliers.

Le 25 novembre, un éditorial du Financial Times lançait une rude charge contre la « cabale secrète » qui entoure Bouteflika et le pousse vers un cinquième mandat en dépit de la « dégradation avancée » de son état de santé. Le journal financier britannique estimait qu’un cinquième mandat du président algérien serait une « hogra », terme qui décrit le mépris de « l’élite dirigeante envers le peuple ».

Les autorités algériennes sont en général très sensibles aux critiques qui émanent des pays occidentaux ; cela pourrait expliquer cette sortie inhabituelle. Mais le discours au vitriol prononcé mercredi pourrait aussi être lié à des divergences internes au régime.

Nul ne parvient, par exemple, à expliquer clairement les raisons du limogeage de Djamel Ould Abbès, fervent défenseur du cinquième mandat, de la direction du FLN, ni celles de la dissolution sur « ordre du président » de la totalité des structures du parti et de la mise en place d’une direction provisoire chargée de préparer un congrès extraordinaire.

On peut aussi relever l’apparition d’une polémique aussi subite qu’incompréhensible entre le premier ministre, Ahmed Ouyahia, que certains aiment à présenter comme un possible successeur d’Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Etat, et Tayeb Louh, son ministre de la justice, lié au clan présidentiel.

Autre signe qui intrigue : Louisa Hanoune, présidente du Parti des travailleurs, très introduite dans le sérail et qui avait défendu en 2014 le droit de Bouteflika à être candidat pour un quatrième mandat, a changé de registre. « Tout le monde se pose la question : le président sera-t-il candidat ? A mon avis, non. Il n’y a aucune chance pour qu’il le soit », a-t-elle déclaré mercredi. « La situation est totalement illisible à très court terme », a-t-elle précisé.

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