Luc de Barochez - Buenos Aires : élégie pour le G20

VIDÉO. À l'ère du populisme triomphant, le sommet des Vingt a perdu sa raison d'être. Il pourrait même contribuer à accroître les divisions entre dirigeants.

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Temps de lecture : 5 min


Né au début de la crise de 2008, le G20 a formé pendant près de dix ans l'ébauche d'un gouvernement multilatéral des affaires du monde, dans lequel les principales puissances jugeaient utile de s'entendre sur des objectifs à poursuivre de concert pour favoriser le commerce et le développement. Ce monde a vécu depuis que les États-Unis, réassureurs en chef de l'ordre mondial, ont choisi sous l'impulsion de Donald Trump l'option « America First », l'Amérique d'abord. À l'ère du populisme triomphant, le G20 a perdu sa raison d'être. Le sommet de Buenos Aires va permettre de dire s'il est devenu un simple exercice obligé mais futile ou, pire, s'il a pris un caractère dangereux en accentuant les divisions entre grandes puissances.

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Les dirigeants réunis à Buenos Aires les 30 novembre et 1er décembre n'ont plus ni cadre de pensée commun ni conviction partagée quant à l'utilité d'affronter ensemble les problèmes du monde. La meilleure illustration en est l'isolement d'Emmanuel Macron, le champion autoproclamé d'un « multilatéralisme renforcé » qui ne peut même plus s'appuyer sur l'Europe depuis que le Royaume-Uni a décidé, en optant pour le Brexit, de faire cavalier seul et que l'Italie a choisi, elle aussi, la voie du national-populisme.

Duel de géants

À part l'Allemagne d'Angela Merkel – elle-même en fin de course après 13 ans de pouvoir –, le Canada de Justin Trudeau et quelques rares autres, les principales puissances ont majoritairement choisi de privilégier un nationalisme identitaire et souvent autocratique. Ce modèle va à l'encontre de la coopération entre démocraties libérales, qui fut le rêve des promoteurs occidentaux du multilatéralisme après la chute du mur de Berlin il y a une génération. Le dernier exemple en date est le Brésil qui vient d'élire à sa présidence l'extrémiste de droite Jair Bolsonaro.

Paradoxalement, la Chine communiste apparaît comme l'un des derniers pays attachés au multilatéralisme, du moins en matière commerciale, car, pour le reste, la vision du monde des dirigeants chinois est plutôt celle d'une « mondialisation hégémonique » comme l'avait analysé Emmanuel Macron dans son discours devant les ambassadeurs en août dernier. Loin des grandes questions multilatérales – lutte contre le changement climatique, renforcement de la coopération financière, maîtrise de la mondialisation –, le sommet de Buenos Aires devait être dominé par un duel de géants, les États-Unis de Donald Trump contre la Chine de Xi Jinping, dans lequel l'Europe – en raison de ses propres divisions – n'a pas son mot à dire.

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Le G7 avant le G20

Même la traditionnelle photo de famille va être une épreuve redoutable pour certains participants à cause de la présence d'un leader devenu infréquentable : le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, que certains soupçonnent d'avoir commandité l'élimination du journaliste dissident Jamal Khashoggi, découpé en morceaux le 2 octobre dans le consulat saoudien à Istanbul.

Déjà l'an dernier à Hambourg, les dirigeants du G20 avaient été incapables de publier un communiqué commun sur le climat, après la décision des États-Unis de se retirer de l'accord de Paris de 2015. Depuis lors, le multilatéralisme a continué à souffrir. Les principales étapes de la dégringolade furent l'échec du G7 de La Malbaie en juin au Canada, où Donald Trump a retiré in extremis sa signature de la déclaration finale, puis le sommet des pays de l'Asie et du Pacifique en novembre, où les dirigeants se sont séparés pour la première fois depuis 25 ans sans publier aucun texte commun, en raison de la profondeur des désaccords sino-américains. Dans les deux cas, ces réunions, en mettant un coup de projecteur sur des divisions préexistantes, ont plutôt contribué à aggraver celles-ci.

Le G20 est pourtant la seule occasion dans l'année où les dirigeants des pays qui ensemble pèsent plus de 85 % de la production de richesses dans le monde, les trois quarts du commerce mondial et les deux tiers de la population, se retrouvent autour d'une même table pour discuter des questions de l'heure. Après une première réunion très financière en 2008, crise oblige, les chefs d'État et de gouvernement des Vingt ont pris l'habitude de parler aussi terrorisme, migration, climat, voire problèmes régionaux comme en 2014 où le sommet tenu en Australie avait été dominé par la crise russo-ukrainienne – une crise revenue au premier plan cette année.

Court terme

Les décisions du G20, quand il arrive à s'entendre, ne sont pas juridiquement contraignantes, mais elles ont une importance politique. Angela Merkel, qui a participé à toutes les réunions, a souligné avant de se rendre à Buenos Aires que « ces sommets ont prouvé qu'ensemble, nous sommes mieux à même de résoudre les problèmes économiques mondiaux et d'encourager le développement sur toute la planète ». Selon une étude du centre de réflexion américain Brookings Institution publiée cette année, les déclarations du G20 ont eu une influence à court terme, pour renforcer la coopération face à la crise financière notamment. Les résultats face aux défis de long terme (endettement, climat) sont moins évidents.

Ces sommets coûtent cher à organiser – la facture s'était élevée à 70 millions d'euros à Hambourg l'an dernier. Si en plus, ils contribuent à accroître les divisions entre les dirigeants, ont-ils encore un sens ? Emmanuel Macron l'a reconnu dans une interview qu'il vient de donner au quotidien argentin La Nación : « Si nous ne montrons pas des avancées concrètes, nos réunions internationales deviennent inutiles et même contre-productives. »


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Commentaires (4)

  • hip68

    Nous attendons avec impatience les prochains commentaires de notre Président, en villégiature au bras de son épouse, dans l'hémisphère Sud. À propos de la situation qui se sera déroulée, notamment sur les Champs Élysées demain, il expliquera à ses collègues du G20 comment il aura réussi à mettre dans la rue, grâce à la politique qui est la sienne, ce peuple bien aimé qui pensera à lui en tentant de défiler démocratiquement en jaune. Le sommet argentin se régalera de l'assurance d'un "champion auto-proclamé" venu étaler les techniques abouties du dialogue et le savoir-faire du maintien de l'ordre à la française dans le règlement des conflits sociaux. Certes, avant cela, il aura pris soin de sermonner le Prince, dit son fait au Tsar, recadré le Cow-boy et se perdre dans les yeux d'une mie rescapée d'un vol mouvementé. Tels seront les conclusions prévisibles de ce week-end inoubliable, où sans doute, seul un barbecue géant, aura fait l'unanimité des troupes...

  • alucia

    En pleine crise des gilets jaunes sanctionnés pour l'utilisation pourtant indispensable de leur véhicule de travail, notre apôtre de la Transition, pourfendeur de la pollution, défenseur universel de la planète s'est rendu à un G20 au Brésil pour proclamer sa défense et illustration de son combat de gladiateur contre les particules fines... Et la veille du G20 il a fait une virée d'agrément en hélicoptère qui utilise entre 50 et 100 litres de Kérosène par heure au-dessus de l'Ile du repos brésilienne où "l'on peut voir la beauté de la nature dans toute sa splendeur" Pendant plusieurs heures notre chantre de la nature a pu y répandre en toute conscience et en toute impunité, d'infernales nuisances sonores et des pluies de particules fines Les bras en tombent.

  • Petit malin

    "La meilleure illustration en est l'isolement d'Emmanuel Macron, le champion autoproclamé... ".
    C'est faire beaucoup d'honneur à notre Président, qui n'a pas le poids qu'on lui prête parfois, ni sur la scène européenne, ni sur l'internationale. De la "com", beaucoup de parole pour dire peu...
    Il n'a eu en fait qu'un succès de curiosité : jeune, beau, soit-disant nouveau, et si chanceux ! Et cerise sur le gâteau une surprenante histoire d'amour comme les aiment les journalistes "people" du monde entier !

    Mais c'est oublier que la France n'est pas en position de force, que Macron, ex PS, n'a pas de résultats au bout de 18 mois, comme il l'avait avancé tout aussi imprudemment que son mentor. Les indicateurs, un moment "au vert" du fait de la croissance mondiale, retournent au rouge ou à l'orange du fait de l'absence de vraies réformes. Le chômage stagne ou baisse, dramatiquement...

    C'est oublier ses erreurs de jugements (Trump revenant dans la Cop 21 en décembre 2017 ! ), son alignement, pour ne pas dire son "allégeance" médiatique, à ce triste sire (mais qui lui redresse son pays ! ), son aventure syrienne qui comme on pouvait le supposer n'a servi strictement à rien (surtout quand on prévient à l'avance de l'heure et du lieu d'un bombardement !)... Poutine mène la danse, et Bachar el Assad est maître chez lui.
    C'est oublier que depuis l'été (Benalla, gilets jaunes, cote de popularité, premières défections à LREM, un signe... ), il est affaibli, ce que l'on va vérifier aux élections européennes.

    Je ne m'en réjouis pas pour la France, mais je crois qu'il est sur la même trajectoire que Hollande et qu'il finira aussi isolé, sans aucune influence sur les affaires d'Europe et du monde.
    Un feu de paille issu du "casse du siècle"...