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Entretien

Chine: le Xinjiang, un laboratoire pour la traque high-tech des Ouïghours

Dans la région autonome du Xinjiang, la Chine a poussé la surveillance de masse à l'extrême. Dans une nouvelle enquête, l'ONG Human Rights Watch illustre comment, grâce à des technologies sophistiquées, la police traque le moindre fait et geste des Ouïghours et d'autres minorités turciques et musulmanes, au nom de la lutte antiterroriste. Maya Wang, chercheuse spécialiste de la Chine à Human Rights Watch, décrypte les méthodes employées par les autorités.

Une femme protestant à Berlin pour la fin de l'oppression des Ouïghours en Chine, notamment au Xinjiang, le 1er septembre 2020.
Une femme protestant à Berlin pour la fin de l'oppression des Ouïghours en Chine, notamment au Xinjiang, le 1er septembre 2020. AP - Markus Schreiber
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RFI : Votre nouvelle enquête apporte-t-elle la preuve qu’au Xinjiang, il suffit d’écouter des sourates du Coran sur son téléphone pour être arrêté ?

Maya Wang : C’est ça. Nous avons analysé scientifiquement une base de données dont la police se sert. Bien entendu, nous documentons des crimes contre l’humanité commis au Xinjiang depuis 2017. Nous savions que des habitants ont été détenus et emprisonnés juste parce que leurs téléphones contenaient des prêches islamiques. Mais cette nouvelle investigation démontre que les autorités considèrent l’enregistrement de prêches et de récitations du Coran comme étant dangereux et extrémistes. Nous l’avons identifié dans l’une de leurs bases de données officielles, et nous comprenons désormais comment la surveillance fonctionne.

Que contient cette base de données des autorités chinoises à laquelle vous avez pu avoir accès ?

Nous avons examiné une liste de 50 000 fichiers qualifiés de violents ou d’extrémistes par la police. 9% de ces fichiers incluent des contenus violents, des scènes sanglantes comme par exemple des égorgements. 4% contiennent des appels à la violence. Mais cela reste une toute petite proportion. Plus de la moitié, 57% pour être précis, ne sont que de simples textes religieux, y compris des récitations du Coran, qui n’ont rien d’extrémistes ou de violents.

Aux yeux de la police chinoise, les termes « violents » ou « extrémistes » signifient quoi exactement ?

C’est précisément ça le problème en Chine et particulièrement au Xinjiang : le gouvernement chinois dit lutter contre le terrorisme et l’extrémisme, mais ces termes sont définis de façon très floue. Souvent, il ne s’agit ni d’une propagation de contenus violents ou extrémistes ni d’appels à la violence. Si vous critiquez le gouvernement, on peut vous accuser d’être un extrémiste. Les lois antiterroristes sont formulées de manière extrêmement vague en Chine. Mais au Xinjiang, les autorités vont même au-delà de ces lois et agissent souvent de manière illégale. Sous la bannière de la lutte antiterroriste, quasiment tout est considéré comme du terrorisme.

Peut-on dire que le smartphone facilite un espionnage totalitaire des citoyens ?

C’est ce que notre étude démontre. Le smartphone est devenu le meilleur moyen de surveiller la population. Ce qui est choquant dans notre enquête, ce sont aussi l’ampleur et la rapidité avec lesquels les policiers savent analyser tout le contenu des téléphones. À Urumqi, la capitale (3,5 millions d’habitants), ils ont examiné 1,2 million de téléphones pas moins de 11 millions de fois en seulement neuf mois. Imaginez combien d’agents seraient nécessaires si cela devrait être fait manuellement. Ça serait quasiment impossible, mais la technologie permet de vérifier de façon très rapide le contenu de votre portable. L’histoire du Xinjiang démontre pourquoi la surveillance est problématique. On peut réprimer une société avec des moyens techniques simples et sophistiqués. À chaque fois, l’État va un pas plus loin. À chaque étape, on éradique davantage la liberté d’une façon très intrusive.

Human Rights Watch réclame une enquête internationale et indépendante au Xinjiang, mais comment convaincre la Chine de l’accepter ?

En octobre dernier, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a voulu voter une résolution pour discuter de la situation au Xinjiang. Mais cela a échoué, car trop d’États étaient contre. Mais nous espérons que lors des prochaines sessions, à partir de juin, des gouvernements comme celui de la France, se mettent à la tête du mouvement pour demander une résolution, pour discuter et pour établir un mécanisme qui permettra de scruter les abus des droits de l’homme commis par la Chine, surtout au Xinjiang. C’est faisable, la question est juste s’il y a la volonté pour le faire au sein du Conseil des droits de l’homme.

À lire aussi : Xinjiang : Le « rêve chinois » devenu le cauchemar des Ouïghours

 

 

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