LETTRE DE LONDRES
« On a l’habitude de faire attention aux chats errants, maintenant on vérifie s’il n’y a pas des gens endormis. Ce serait terrible s’ils basculaient dans le compacteur et se faisaient écraser », témoigne dans le Times un éboueur du quartier londonien de Westminster. Lors d’une tournée, il a trouvé et sauvé un sans-abri enveloppé dans un sac de couchage humide, qui s’était réfugié dans l’un de ces conteneurs à ordures géants montés sur roulettes. « Cela pourrait être chacun d’entre nous », a-t-il dit pour expliquer son geste salvateur. En janvier, un homme qui passait la nuit dans une benne à déchets à Rochester (Kent) a eu une jambe et le bassin fracturés après avoir été coincé dans le camion de collecte venu les ramasser. Russell Lane est mort à l’hôpital de complications plusieurs semaines plus tard.
En dépit des risques évidents, de plus en plus de sans-abri trouvent refuge dans les énormes conteneurs qui servent à ramasser les déchets domestiques ou industriels. À l’approche de l’hiver, la pénurie d’abris et de foyers d’urgence fait craindre une recrudescence de ce phénomène devenu presque banal. L’association des professionnels de l’environnement recense onze personnes mortes après avoir dormi dans un conteneur entre 2010 et 2016. En 2017, Veolia-Royaume-Uni a recensé 32 personnes dormant dans ses conteneurs. L’année précédente, l’entreprise Biffa spécialisée dans les déchets industriels a enregistré 175 cas du même genre.
« Peur de tuer quelqu’un »
Le phénomène a pris une telle ampleur qu’il inquiète les salariés des sociétés d’enlèvement des déchets, raconte le journal de rue The Big Issue qui pense que les chiffres publiés ne représentent qu’une partie du phénomène. « C’est effrayant pour notre personnel de trouver une personne cachée lors de leurs tournées matinales, ils ont tout le temps peur de tuer quelqu’un. Cela arrive plusieurs fois par semaine, affirme un professionnel du secteur cité par le journal vendu par des personnes en situation de précarité. On ne trouve pas seulement des sans-abri, mais des drogués et aussi des ivrognes qui ont fait une pause en rentrant chez eux. On finit par savoir dans quel conteneur cela peut arriver, mais le vrai danger, c’est quand les gens dorment profondément et qu’ils n’entendent pas le camion. » En 2014, le corps de Matthew Symonds, 34 ans avait été retrouvé dans l’usine d’Avonmouth de la société de gestion de déchets Biffa. Refoulé d’un foyer où il s’était présenté trop tardivement, il s’était résolu à dormir dans un conteneur parqué dans un centre commercial. Biffa assure que ses employés avaient procédé à une vérification avant de vider leur benne.
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