Un dernier café pour Catherine Ceylac

Après 22 ans d’existence, l’émission «Thé ou café» s’arrête. Nous avons assisté à l’enregistrement de la dernière, diffusée, ce samedi, à 9h55.

 Catherine Ceylac (au centre) entourée d’Amélie Nothomb, Philippe Geluck, Louis Chedid, Arielle Dombasle et Laurent Gerra.
Catherine Ceylac (au centre) entourée d’Amélie Nothomb, Philippe Geluck, Louis Chedid, Arielle Dombasle et Laurent Gerra. FTV/Christophe Russeil

    « Catherine Ceylac, elle doit connaître autant de monde que Drucker! ». 13 novembre dernier : dans la régie de France 2, juste avant l'enregistrement, flotte un parfum d'adieu. Les techniciens aux commandes de la dernière de « Thé ou Café » font le bilan, le cœur serré. À quelques minutes de la prise d'antenne, Catherine Ceylac chantonne, souriante, dans son élégante robe noire.

    La journaliste de 64 ans voulait une dernière à l'image des 1751 précédentes émissions diffusées depuis 1996 : intimiste. Et a donc convié ses plus fidèles. Arielle Dombasle, Louis Chedid, Philippe Geluck, Amélie Nothomb, Laurent Gerra, Chantal Ladesou et Thierry Marx… Derniers d'une longue liste de 1250 invités depuis le lancement du programme.

    « Il est rare de perdurer autant de temps, et nous vous le devons », amorce l'animatrice. Avant de dérouler l'album photos de 22 ans, au cours desquels elle a reçu les plus grandes stars, de Dustin Hoffman à Monica Bellucci, de l'Abbé Pierre à Rania de Jordanie. Et hissé France 2 en tête des audiences.

    « Les réponses aussi importantes que les questions »

    On avait oublié la force des confidences livrées. Jeanne Moreau, évoquant son viol. François Cluzet et son impossible pardon après le meurtre de son ex-compagne Marie Trintignant. Ou Aznavour : « Je n'ai pas peur de la mort, j'ai peur de ne plus vivre ». Leur tasse à la main, ils se confiaient à l'une des intervieweuses les plus douées pour arracher les secrets enfouis. Les séquences cultes s'enchaînent : Nicolas Sarkozy chantant au karaoké, François Hollande déboulant en scooter, Frédéric Mitterrand confiant avoir testé le viagra avec pour seul résultat « une migraine ».

    En plateau, les artistes lui tressent des louanges. « C'est une émission très libre et hors des sentiers battus, psychologique et déroutante », encense Ariel Dombasle. « Ici, les réponses sont aussi importantes que les questions, c'est rare », la complimente Louis Chedid. Pour la première fois, les rôles s'inversent, et voilà Catherine Ceylac sur le gril des questions. Sa propre vie s'est nourrie de toutes ces confidences. Lumineuse, elle leur confie : « J'aurais voulu être artiste. Ici, je ressens leur émotion et leurs appréhensions ».

    Cette dernière s'achève sur un live de Louis Chedid, « On ne dit jamais assez aux gens qu'on les aime ». Ceylac lui emboîte le pas avec une allusion à la chaîne : « Thé ou café disparaît des écrans, croyez bien que ce n'est pas mon choix. Nous avons tissé des liens indéfectibles. Que la culture continue à avoir sa place sur le service public. Je vous aime ».

    Champagne et yeux rougis

    Son équipe envahit le plateau par surprise. Générique de fin. Premiers bouchons de champagne et yeux rougis. Claude Sérillon, son compagnon, est là. Son ami Gérard Holtz aussi, en larmes : « C'est du gâchis. C'était un lieu de belle parole, à l'inverse de la télé polémique. On a besoin de ce genre d'émission ». À quelques mètres, Vanessa Burggraf, l'ancienne chroniqueuse d'« On n'est pas couché », soutient celle dont elle fut l'assistante il y a vingt ans.

    La direction de France 2 est discrètement présente. « L'émission, emblématique, restera dans l'histoire de la chaîne. On lui dit merci », souligne Antoine Boilley, directeur délégué de la chaîne. Pourquoi alors l'arrêter ? « Pour des restrictions budgétaires qui nous obligent à faire des choix délicats ». Catherine Ceylac pourrait poursuivre son aventure ailleurs. À partir du 8 décembre, « Thé ou café » sera remplacé par des rediffusions d'« Affaire conclue » de Sophie Davant. « C'est la vie de la télé » conclut le directeur. Dommage, on aurait bien repris une tournée.

    DOS À DOS AVEC CATHERINE CEYLAC

    Catherine Ceylac/FTV/Christophe Russeil
    Catherine Ceylac/FTV/Christophe Russeil FTV/Christophe Russeil

    Pas de « Thé ou café » sans l'interview culte du « dos à dos » et ses réponses « du tac au tac ». Au tour de Catherine Ceylac de s'y livrer. Autour d'un thé bien sûr.

    La confidence la plus inattendue que vous avez recueillie sur le plateau de « Thé ou café » ?

    CATHERINE CEYLAC. Le viol de Jeanne Moreau. Ça m'a bouleversée.

    Un invité chez qui vous aimeriez rentrer en catimini ?

    Carla Bruni-Sarkozy. Elle est très décalée. J'ai beaucoup d'estime pour elle.

    La chose la plus folle que vous ayez faite pour décrocher un invité dans « Thé ou café » ?

    Planquer des heures à New York comme une paparazzi pour avoir trois mots de Woody Allen !

    Qui regrettez-vous de ne pas avoir reçu ?

    Isabelle Huppert et Catherine Deneuve.

    Avec qui auriez-vous bien prolongé le thé ?

    L'acteur Jeremy Irons. Très séducteur. Après l'émission, il m'a invité à déjeuner. Je lui ai répondu que j'allais à la cantine !

    Qui, du monde des médias, inviteriez-vous pour un dîner idéal ?

    Gilles Bouleau, intéressant et sympathique. Anne-Elisabeth Lemoine pour sa justesse et sa spontanéité. Nagui, qui fait une jolie carrière. Vanessa Burggraf, la patronne de France 24. Et Daphné Bürki : j'aime sa fantaisie.

    Le cliché sur les gens de la télé qui est vrai ?

    Pas solidaires.

    Quand France 2 vous a annoncé l'arrêt de votre émission, quels ont été vos premiers mots ?

    Les mots d'une avocate. J'ai plaidé.

    Si vous étiez Delphine Ernotte (patronne de France Télévisions) le temps d'une journée, que feriez-vous ?

    Je descendrais sur les plateaux de télévision rencontrer ceux qui font la télé, et davantage le public. Il ne faut jamais oublier que c'est lui qui devrait décider.

    Quelles sont vos addictions ?

    Le bon vin. Les séries : j'ai regardé 6 épisodes de la série « Bodyguard » en une journée. Le théâtre. Et l'amitié.

    Le défaut dont vous aimeriez vous débarrasser ?

    Rancunière.

    Avez-vous pleuré en préparant cette dernière ?

    Non mais j'étais très émue. J'avais une tourmente intérieure, liée au fait de rompre le lien avec les téléspectateurs. Le public, c'est ma ligne de conduite.

    Dans vos rêves, qui vous appelle pour vous proposer une nouvelle émission ?

    Je ne rêve pas !

    Où vous reverra-t-on prochainement ?

    Sur le plan professionnel, auprès de ceux de qui m'aiment.