La lutte contre le blanchiment décapitée

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SuisseLa lutte contre le blanchiment décapitée

Stiliano Ordolli occupait la fonction de chef du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS). Le Genevois a démissionné.

Pascal Schmuck
Zurich
par
Pascal Schmuck
,
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Stiliano Ordolli n'est plus le chef du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS).

Stiliano Ordolli n'est plus le chef du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS).

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Stiliano Ordolli occupait une importante fonction au sein de l'Office fédéral de la police (fedpol). Ce juriste genevois âgé de 45 ans était le chef du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS), mais il ne l'est plus depuis quelques jours, a découvert le Tages-Anzeiger.

«Le patron du MROS a émis le souhait de quitter fedpol pour relever un nouveau défi professionnel», a confirmé Cathy Maret, la responsable de la communication de l'office fédéral.

Un patron contesté

Il s'agit du deuxième départ en quelques semaines de fonctionnaires de premier ordre dans la lutte contre la criminalité économique après l'éjection d'Olivier Thormann au Ministère public de la Confédération.

Les deux cas sont toutefois différents car si Olivier Thormann était apprécié par ses subordonnés, ce n'était pas le cas de Stiliano Ordolli qui a cristallisé de nombreuses tensions au sein du MROS. Le Genevois, en fonction depuis septembre 2013, s'était même vu interdire l'accès à son bureau à Berne pendant plusieurs jours.

De lourdes accusations

L'ambiance est pourtant détendue à Berne le 6 novembre lorsque fedpol organise sa journée des collaborateurs en présence de la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga au Kornhauskeller à Berne. C'est pourtant à cette occasion qu'un collaborateur du MROS s'adresse directement à la directrice de fedpol, Nicoletta della Valle.

Ce que la haute fonctionnaire apprend la pousse à un premier examen des accusations portées contre Stiliano Ordolli, qui est peu après libéré de ses fonctions jusqu'à nouvel ordre. Fedpol a également ouvert une enquête interne et la trentaine d'employés du MROS sont entendus.

Plusieurs se plaignent d'un climat de travail médiocre et d'un manque de leadership. Le directeur du bureau est accusé de travailler seul, de ne faire confiance à personne ou presque et de se comporter parfois de manière très injuste envers son personnel.

Une compétence reconnue

Il est également reconnu au Genevois d'avoir effectué du bon travail pendant longtemps, d'avoir modernisé et numérisé les processus et d'avoir amélioré la réputation du MROS à l'étranger.

Titulaire d'un doctorat en droit de l'Université de Genève, Stiliano Ordolli a travaillé auprès de la Banque cantonale de Genève (BCGe) en tant que spécialiste dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent.

Il réussit en 2009 le concours diplomatique et entre au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) en tant que coordinateur régional suppléant. Il rejoint en 1er février 2011 fedpol où il occupe le poste de chef suppléant du MROS.

Encore plus de pouvoir

Jeudi, Stiliano Ordolli a préféré démissionner sans attendre les résultats de l'enquête interne qui auraient pu le disculper. Son avocat n'a pas voulu commenter les accusations portées à l'encontre du Genevois ainsi que son départ de fedpol, évoquant une clause de confidentialité.

L'administration fédérale lui recherche déjà un successeur tant le poste en sensible. Le MROS fait en effet le lien entre les intermédiaires financiers et les autorités répressives et sa charge de travail ne fait que s'alourdir. En 2017, le nombre de dénonciations a atteint 4684, en hausse de 60% sur un an. Les actifs suspects se sont élevés à 16 milliards de francs suisses, trois plus qu'en 2016.

Les prérogatives du MROS sont appelées à s'étendre car le Conseil fédéral souhaite combler les lacunes de la législation, critiquée par le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI). Stiliano Ordolli l'évoquait il y a encore deux semaines à Genève, lors de sa dernière apparition publique. La lutte continue donc, mais sans lui.

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