garande (patrice) u000d (L.Argueyrolles/L'Equipe)

«Il faut combler ce vide» : Patrice Garande (ex-Caen) s'est livré dans un entretien à Francefootball.fr

Sans club depuis son départ du SM Caen en mai dernier, Patrice Garande s'est confié à FF.fr. L'entraîneur français a évoqué sa nouvelle vie, ses envies, et dressé le bilan de ses années normandes.

«On vous a quitté il y a six mois, quand vous avez annoncé votre départ au soir du maintien de Caen. Comment allez-vous ?
Je vais bien ! Sur mon départ, j’étais en fin de contrat, il y avait la situation de Caen, par rapport à Jean-François Fortin (NDLR : l'ancien président), ma discussion avec le nouveau président... Je ne vais pas revenir dessus... Ma décision était mûrement réfléchie, je l’assume. De ce point de vue-là, je me sens très bien. Ce n’est pas comme si j’avais été viré dans l’année, le cheminement aurait été différent. J’ai fait ce que j’avais à faire à Caen, et j’ai décidé que ça s’arrêterait là. Sur le plan humain, ça va. D'un autre côté, il y a la période d’inactivité à gérer...
 
Justement, quel est votre quotidien depuis six mois ?
C’est un métier usant, fatigant. Ce n’est pas le terrain qui est usant, mais tout ce qu’il y a autour. J’avais besoin de souffler un peu. Je suis parti en vacances une première fois, puis une deuxième fois. Dans ces moments, on fait des choses avec sa famille qu’on ne peut pas faire quand on est en poste, car c’est un métier qui prend beaucoup de temps, et c’est souvent au détriment d’une vie équilibrée. Dans mon cas, j’ai très vite ressenti un manque, une envie de retrouver le terrain. Il y a des places qui se libèrent, ou pas. Au bout de trois mois, j’avais de nouveau envie d’entraîner, d’être sur un terrain, d’avoir une équipe, un objectif, de préparer des joueurs pour gagner des matches... Tout ce qui fait le métier d’entraîneur. J’habite encore à Caen, donc quand Malherbe a repris l’entraînement, c’était un peu difficile pour moi. Je suis parti trois semaines en vacances, ailleurs. Quand le Championnat reprend, on se dit ''Bah on y est pas…''. Quand on est en place, on est toujours submergés par des tas de petits problèmes quotidiens, mais aujourd’hui j’aimerais bien les avoir ces problèmes-là !
 
Votre envie première est-elle de retrouver un banc en Ligue 1 ?
Je ne ferme pas non plus la porte à la Ligue 2. Des Frédéric Antonetti ou Philippe Montanier y sont bien. Ce n’est pas une honte d’aller entraîner en Ligue 2, bien au contraire. Ça dépend du club, du projet… J’ai tout simplement envie de retrouver une équipe. Je considère qu’on ne peut pas être à la recherche d’un travail et dire ''moi je veux ça'', sinon ça risque d’être compliqué.

Un temps, vous avez été annoncé à Guingamp suite au limogeage d’Antoine Kombouaré. Y avait-il des contacts concrets ?
Quand Antoine est parti, mon agent a eu le président (NDLR : Bertrand Desplat). C’est vrai que j’ai fait partie des possibilités. Mais c’est comme ça dans tous les clubs : ils pensent à un, deux, trois entraîneurs, voire plus. J'imagine que la première idée de Guingamp était de faire revenir Jocelyn (NDLR : Gourvennec). Des situations comme ça, il y en a eu plein. C’est ce qui est un peu compliqué. Parfois on se dit que ça va être possible mais finalement ça ne se fait pas. Il faut rester optimiste. J’ai la certitude que quelque chose va arriver. Pendant ce temps, il faut combler ce vide...
 
Justement, comment comble-t-on ce vide ?
J’ai fait deux choses : quand j’étais entraîneur, je ne pratiquais plus du tout de sport. Là j’ai repris une activité sportive pour m’entretenir, ça me fait du bien. J'avais des bases, mais je prends aussi des cours d’anglais toutes les semaines, par rapport à un éventuel départ à l’étranger. Je regarde beaucoup de matches également. Et à côté de ça, il y a une vie normale qui s’est installée. Le plus important est de rester positif.
 
Vous vous êtes également mis aux réseaux sociaux récemment. Pourquoi ?
Alors ça, ce n’est pas le plus important ! Quelqu’un m’a proposé cela après un article que j’avais fait dans L’Équipe. L’idée était de rester connecté avec le monde extérieur. Je fais des billets sur différents thèmes. Ça me permet de réfléchir à certains aspects du jeu, au rôle de l’entraîneur… À ce quoi je vois, ça intéresse des gens. Moi aussi, ça me fait du bien de parler de foot. Mais j’ai prévenu que je ne voulais pas parler du Stade Malherbe Caen. Je ne donne pas d’avis.
 
Il y a parfois un peu de tout et n’importe quoi sur les réseaux, mais les comptes de supporters caennais ont souvent été bienveillants avec vous, parfois taquins, reprenant à tout va votre «j’ai vu de bonnes choses»…
(Rires.) Oui. Parfois, quand on perdait des matches ou qu’on faisait nul, dans mes conférences de presse, je disais que j’avais quand même vu ''de bonnes choses''. C’était une façon de chambrer un peu.

«Parfois on se dit que ça va être possible mais finalement ça ne se fait pas. Il faut rester optimiste. J'ai la certitude que quelque chose va arriver».

«J'ai fait mon deuil de Caen»

Depuis six mois que vous n'êtes plus sur un banc, avez-vous eu la possibilité de faire un bilan de votre carrière d'entraîneur ?
C'est la première chose qu'on fait. Peut-être pas tout de suite, mais j'ai fait le bilan, sur différentes étapes, de ce que j'ai accompli à Caen. J'ai eu une carrière d'adjoint auparavant, j'ai aussi été entraîneur à Cherbourg en amateur. Paradoxalement, aujourd'hui, je me sens meilleur qu'avant, parce qu'il y a un vécu, une expérience, une analyse de ce qui a été fait. Je sais que vous allez me demander si j'ai fait des erreurs, si je regrette des choses... Tout le monde fait des erreurs, tout le monde regrette des choses. Mais si on veut se servir de son expérience, il faut être capable d'avoir une analyse de ce qui a été fait.
 
Que ce soit du positif ou du négatif, que retenez-vous en particulier ?
Je ne sais pas si je ne peux retenir qu'une seule chose. C'est sûr qu'il y en a qui m'ont marqué plus que d'autres. La première, c'est la montée (NDLR : en 2014), c'est une évidence. Ensuite, je considère que ce qui a été réalisé dans l'ensemble est un exploit. Que Caen reste cinq ans en Ligue 1 n'avait jamais été fait depuis 25 ans. Compte tenu des conditions, du budget et de l'effectif, c'est pas mal ! La saison qui m'a marqué le plus est la première en Ligue 1. Il y avait les jeux mondiaux équestres chez nous, donc on a joué nos six premiers matches à l'extérieur. Et on ne comptait que 15 points à la trêve. Tout le monde disait qu'on allait descendre. J'étais persuadé qu'on allait se maintenir, je le disais à mon entourage. On s'est maintenu en terminant treizième. En termes de matches, il y a les deux victoires à Marseille contre (Marcelo) Bielsa, à Lille aussi contre Bielsa (Rires.). Et puis ce métier-là est avant tout un métier sur les rapports humains, et je retiens aussi ça. Les relations avec les joueurs, les dirigeants...
 
Suivez-vous encore Caen aujourd'hui ?
Je ne suis pas leurs matches. J'ai juste vu le premier contre Paris (0-3), une période contre Nice (1-1) et celui contre Bordeaux (0-0). Je regarde les autres rencontres. Du fait de ma position, je n'ai pas envie de porter un jugement. J'ai fait mon deuil de Caen. Je suis fier de ce que j'y ai fait. Sur le plan sportif, j'ai laissé le club dans une position très saine, en Ligue 1. Cela a permis à un autre entraîneur et au nouveau président d'arriver dans l'élite. Ils le doivent à ceux qui ont travaillé avant, c'est une certitude. La suite, elle leur appartient. C'est quand même un club auquel je suis attaché car j'y ai passé du temps. Je le connais par cœur. Mais je ne vais pas au stade, je ne vais pas voir les matches. Je vais dans d'autres stades. Il faut passer à autre chose. Même si je reste attentif à ce qui se dit sur ce qui a été fait avant. Je ne laisserais pas dire n'importe quoi.»

Propos recueillis par Florent Le Marquis