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Un bureau d'enquête sur le crime «d'agression» contre l'Ukraine ouvre à La Haye

Placé sous l’autorité d’Eurojust, le Centre international pour la poursuite du crime d’agression (CIPA) devra rassembler les preuves de l’agression russe et les analyser en vue d’enclencher des poursuites. Mais devant quel tribunal ? Cela reste la grande inconnue.

Les bureaux de l'organe de justice européen, Eurojust, à La Haye en 2011.
Les bureaux de l'organe de justice européen, Eurojust, à La Haye en 2011. © Wikimedia Commons BY SA 3.0 Vincent van Zeijst
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Avec notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas

Les Ukrainiens réclament la création d’un tribunal international depuis plus d’un an. Mais Londres, Paris et Washington s’y opposent, refusant que soit mis entre les mains des juges une question qui dépasse la seule Russie, celle de l’usage de la force par les États.

On ne sait donc pas pour l’instant devant quelle juridiction seront traités les dossiers qui seront constitués. En attendant, pour le procureur général d’Ukraine, Andryi Kostin, la création du centre est déjà une première étape.

« L'agression de la Russie contre l’Ukraine et son recours continue à la force contre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance qui menace l’existence même de l’Ukraine n’est pas seulement dirigée contre mon pays. Elle constitue une menace mondiale à la paix, la sécurité et la stabilité. Pour cette raison, il est primordial de montrer que nous sommes prêts à ce que la responsabilité du crime d’agression soit un élément central de notre programme politique, juridique et moral », a-t-il affirmé.

Un organe de coopération judiciaire

Des procureurs de cinq pays de l’Union européenne participent à ce centre: les trois pays baltes ainsi que la Roumanie et la Pologne, s’y ajoute l’Ukraine. Les États-Unis y sont rattachés par un accord spécifique, ainsi que la Cour pénale internationale, qui a déjà inculpé Vladimir Poutine de crimes de guerre, mais n’est légalement pas compétente pour juger l’agression russe.

Sur le papier, c’est tout simplement un organe de coopération judiciaire. À travers ce centre, des magistrats vont pouvoir échanger des éléments de preuves. C’est aussi potentiellement le lieu où seront bâtis des dossiers prêts pour de futures mises en accusation. C’est ce qu’a expliqué le procureur général d’Ukraine. Ses enquêteurs ont déjà établi une liste de 600 suspects, dont une partie de la Douma, le Parlement russe. L’Ukraine entend bien mettre sur le banc des accusés la totalité du régime russe.

Une victoire en demi-teinte pour l'Ukraine

L’Ukraine tient fermement à la création d’un tribunal spécial international et jusqu’ici refuse toute autre option. Depuis Boutcha en avril 2022, Kiev mène campagne, mais sans parvenir à convaincre les Occidentaux. Et, il y a plusieurs raisons à cela: la France, les États-Unis et le Royaume-Uni ne veulent pas laisser des juges s’emparer de questions qui concernent l’usage de la force par les États. Et, aussi parce que l’agression russe est loin d’être la première depuis la Seconde Guerre mondiale et les Occidentaux ne veulent pas être pointés à leur tour.

Les Ukrainiens affirment souvent que parallèlement au front militaire et économique avec les sanctions, ils bataillent aussi sur le front juridique. Dans cette bataille-là, les alliés doivent essuyer un tir ami, en quelque sorte. Car cette campagne des Ukrainiens pour un tribunal international ne fléchit pas. Elle a obtenu de nombreux soutiens d’avocats, de professeurs de droit, de membre de la société civile russe et d’une trentaine d’États. Et ceux qui s’y opposent multiplient les propositions alternatives. Volodymyr Zelensky a fermement rejeté le tribunal hybride, national et international, qui lui était proposé. Les Ukrainiens n’ont pas été dupés.

Avec leurs alliés néerlandais, trop heureux de pouvoir accueillir un futur tribunal à La Haye qui se revendique capitale de la justice internationale, ils avaient demandé la création d’un parquet intérimaire, en attendant le fameux tribunal. C’est donc le Centre international qui a été rattaché à Eurojust. C’est une victoire pour Kiev, parce que c’est la première institution dédiée à punir l’agression de la Russie. Mais, une demi victoire seulement, parce que ce Centre ne constitue en rien la promesse d’un futur tribunal international pour juger l’agression.

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