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Reportage

À New York, Rendez-Vous with French Cinema, avec Ladj Ly, Ramata-Toulaye Sy et Nora El Hourch

Du 29 février au 10 mars, le célèbre Lincoln Center de New York a accueilli la 24e édition du festival Rendez-Vous with French Cinema, avec plus de 40 projections de films et la participation de nombreuses personnalités, comme Marion Cotillard, Léa Seydoux, mais aussi Ramata-Toulaye Sy, Ladj Ly et Nora El Hourch. Considéré comme l’un des événements incontournables pour la promotion du cinéma français outre-Atlantique, le festival a aussi permis à ces trois réalisateurs de mettre en lumière leurs films, et de donner écho au message social de leurs travaux. Reportage.

La réalisatrice Nora El Hourch et l’actrice Salma Takaline au festival Rendez-Vous with French Cinema 2024 à New York.
La réalisatrice Nora El Hourch et l’actrice Salma Takaline au festival Rendez-Vous with French Cinema 2024 à New York. © Michael Oliveira Da Costa / RFI
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De notre correspondant à New York,

« J’aime beaucoup venir ici à New York, car les États-Unis vivent le même genre de situations que ce que l’on vit en France : le niveau de vie est en baisse et la société est sous tension constante », explique Ladj Ly, venu présenter Bâtiment 5 au festival Rendez-Vous with French cinéma.

Alors que les yeux du cinéma mondial étaient en grande partie rivés sur la côte Ouest du pays avec les intenses campagnes de promotions pour les acteurs et réalisateurs nominés aux Oscars, la côte Est n’était pas en reste avec une intense saison de festivals, dont le très suivi Rendez-Vous with French cinéma, dont la 24e édition vient de s’achever dimanche soir à New York.

« Ce lieu incontournable du cinéma »

Durant douze jours, environ 2 000 personnes sont ainsi venues voir de plus près une large sélection de récentes productions françaises et francophones et pour plonger un peu plus dans le monde du septième art venu de l’autre côté de l’Atlantique. « Tous les ans, notre but principal est de porter aux États-Unis et dans ce lieu incontournable du cinéma des productions qui sont des œuvres contemporaines et qui parlent de sujets importants pour la France, mais pas seulement », précise Florence Almozini, responsable des programmations cinéma au Lincoln Center. « De Thomas Cailley (Le Règne animal), en passant par Ladj Ly (Bâtiment 5) et Nora El Hourch (HLM Pussy), on a voulu englober un maximum de thématiques, et aussi mettre la lumière sur des sujets sociaux de fond, dont il est très important de parler dans le contexte actuel. »

Florence Almozini, la responsable de la programmation des films au Lincoln Center à New York lors de la soirée d’ouverture du festival Rendez-Vous with French Cinema.
Florence Almozini, la responsable de la programmation des films au Lincoln Center à New York lors de la soirée d’ouverture du festival Rendez-Vous with French Cinema. © Michael Oliveira Da Costa / RFI

Au programme également, des discussions et des ateliers avec les invités, et la possibilité d’échanger sur les sujets évoqués dans les films, et leurs échos dans la société américaine. « Je pense que c’est très important d’avoir des personnes comme Ladj Ly, Ramata-Toulaye Sy et Nora El Hourch pour plusieurs raisons », souligne John Thibodeaux, grand aficionado du cinéma français et chercheur en sociologie à l’université de Pittsburgh. « La première, c’est que cela permet au public américain de voir des productions de réalisateurs et réalisatrices issus de la diversité, ce qui est quelque chose de très important et qui attire la curiosité du public du pays. Ensuite, les sujets sociaux traités dans ces films parlent aux gens d’ici, car les problématiques évoquées sont aussi présentes aux États-Unis, et parler de la réalité de celles-ci en dehors de notre pays permet d’alimenter les discussions et les débats pour tenter de résoudre ces questions de société, comme le harcèlement sexuel, la gentrification et la paupérisation d’une partie de la population », précise-t-il.

Ladj Ly s’inscrit dans la même logique, et valide ces points, tout en mettant en valeur l’importance de l’engagement social de son travail : « Ici, on le voit dans les quartiers comme Harlem et Brooklyn, où la gentrification a poussé des milliers de gens à une plus grande précarité. Venir ici pour échanger avec ceux qui vivent aussi ce genre de situation, c’est très important, c’est très constructif pour essayer de trouver des solutions à ce profond problème du logement. J’ai toujours de supers échanges avec les gens d’ici, qui vivent ce dont on parle dans mes films ». 

L’inspiration américaine et l’importance de présenter leurs films aux États-Unis

Pour le réalisateur nominé aux Oscars en 2020 pour Les Misérables, venir en terres de l’Oncle Sam est donc moins un pèlerinage dans le pays du cinéma qu’un passage constructif pour tenter de parler de sujets de fond. « Je ne suis pas vraiment cinéphile, mais la culture américaine a bercé mon enfance, par la musique, certains artistes. Le fait de pouvoir venir ici, et d’observer de près, et de comparer un peu les situations sociales des deux pays, c’est très enrichissant », souligne-t-il, avant d’ajouter que « le cinéma américain est très "spectacle", mais moi je fais des choses qui sont très réelles et qui parlent des problèmes de société. J’ai toujours de très bons retours de mes voyages aux États-Unis. Depuis Les Misérables, il y a une curiosité pour ce que je fais, et c’est intéressant de tenter de passer un message social de ce côté de la planète ».

Pour Nora El Hourch, qui a présenté HLM Pussy à New York après l’avoir fait il y a peu au festival de Chicago, l’expérience est unique. C’est un rêve devenu réalité. « C’est mon rêve américain d’une certaine manière, c’est clair » sourit-elle. « J’ai grandi en regardant les séries américaines, mais aussi beaucoup de films comme ceux de Quentin Tarantino qui est l’une de mes idoles. Ce pays m’inspire beaucoup, car c’est le point névralgique, le pays qui pèse et produit le plus dans le monde du cinéma. J’ai toujours puisé dans la culture du cinéma américain pour mon inspiration, comme des scènes dans mon film où les actrices sont déguisées comme dans Kill Bill par exemple ».

« La thématique parle au public américain »

Comblée de pouvoir présenter son film à New York, El Hourch, qui n’a pas encore trouvé de diffuseur pour le marché américain, pense que c’est important d’exporter son art, ses œuvres, afin de partager et de montrer qu’une grande partie des questions de société sont vécues dans la plupart des pays du monde. « On est dans le pays où a démarré le mouvement #MeToo, LE lieu qui a permis à la question du harcèlement sexuel d’être mise sur le débat public, donc c’est énorme pour moi de pouvoir montrer mon film ici. C’est vrai que les contextes sont différents, mais la thématique parle au public américain, ça leur permet de voir que ce problème est présent aussi chez nous, et aussi chez les jeunes de quartiers, dont on ne parle que bien trop peu ».

Venus en nombre, les spectateurs, connaisseurs du cinéma français pour certains, mais pour une grande partie encore novice dans le domaine, ont apprécié les échanges avec les réalisateurs, dont Ly et El Hourch, loués pour leurs regards réalistes et sans filtres. « Je pense que c’est ce genre de cinéma qui mérite plus d’écho, de visibilité, car ils abordent des sujets qui parlent aux gens » précise Tanya Smith, une quinquagénaire d’Harlem venue avec sa fille étudiante, « le cinéma ça fait rêver du monde, mais on doit aussi s’en servir pour montrer son engagement, parler de choses qui fâchent ou qui touchent les gens. La vie, ce n’est pas toujours un conte de fée, c’est aussi et surtout des galères pour une partie du monde. Et Ladj Ly et Nora El Hourch arrivent avec leurs films et mettent un éclairage supplémentaire sur ces réalités qui nous parlent même si leurs histoires se produisent à des milliers de kilomètres d’ici ». 

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