Accéder au contenu principal

Albanie, Serbie: les mirifiques investissements du gendre de Trump dans les Balkans

C'est sur le réseau X, naturellement, que Jared Kushner a confirmé le 15 mars dernier ses projets dans les Balkans. Le gendre de Donald Trump a l'intention de créer des complexes hôteliers de luxe en Albanie et en Serbie.

À Belgrade, le site de l'état-major serbe bombardé en 1999 par les avions de l'Otan.
À Belgrade, le site de l'état-major serbe bombardé en 1999 par les avions de l'Otan. © Laurent Geslin/RFI
Publicité

En Albanie, Jared Kushner vise l'île de Sazan, un paradis naturel fermant la baie de Vlora, encore vierge de toute construction, car cet ancien domaine militaire est une zone protégée. En Serbie, c'est le site de l'état-major, qui dresse son immense carcasse dans le centre de Belgrade depuis son bombardement par les avions de l'Otan, en avril et mai 1999, qui pourrait accueillir les projets de l'investisseur américain.

Militant écologiste et député au Parlement de Serbie, Aleksandar Jovanović Ćuta avait vendu la mèche deux jours plus tôt, révélant un protocole d'accord entre la compagnie de Jared Kushner et le ministère serbe de la Construction, qui prévoit la cession gratuite pour 99 ans d'une vaste zone, incluant le site de l'ancien état-major, mais aussi des bâtiments toujours utilisés par le ministère de la Défense et les services de renseignement. La Serbie et Atlantic Incubation Partners LLC, filiale de Kushner Realty LLC, devraient créer une société à responsabilité limitée domiciliée en Serbie.

Le gouvernement serbe a mollement tenté de démentir ce projet, avant que la confirmation de Jared Kushner ne vienne ôter le moindre doute, et le président Aleksandar Vučić n'a pas tardé à s'en déclarer « enchanté », tout en prétendant « ne pas connaître tous les détails ». Deux grandes tours abritant hôtels et appartements de luxe pourraient surgir des ruines de l'ancien chef-d'œuvre du brutalisme yougoslave, construit en 1963 par l'architecte Nikola Dobrović. Le complexe devrait abriter un mémorial et un musée, mais, pour l'historien de l'art Branislav Dimitrijević, l'ancien état-major devrait être reconstruit à l'identique ou bien ses ruines devraient être conservées en l'état.

Lui-même ancien chef d'état-major et aujourd'hui député d'opposition, le général Zdravko Ponoš dénonce le « cadeau » fait à l'entreprise américaine, estimant que le président Vučić essaye de « monnayer son avenir politique ». L'opposition serbe n'entretient guère d'illusions: il y a quelques années, le gouvernement a imposé une lex specialis pour permettre la construction du complexe de Belgrade Waterfront par des investisseurs émiratis, qui a ravagé une part du centre de Belgrade.

« Personne ne devrait jamais devoir s'excuser de vouloir gagner de l'argent »

Derrière cet accord entre le régime serbe et un représentant de la famille Trump se glisse l'ombre de Richard Grenell, ancien émissaire spécial du président américain dans les Balkans, qui se rend toujours à Belgrade, où on a pu le voir passer des soirées avec le ministre des Finances, Siniša Mali. L'été dernier, Jared Kushner et son épouse Ivanka Trump avaient passé quelques jours de vacances en Albanie, faisant une photo souvenir avec le Premier ministre Rama, mais aussi avec Richard Grenell.

Alors que le Parlement albanais vient de voter une loi permettant la réalisation de projets touristique dans les zones protégées, Edi Rama refuse de s'exprimer. Mardi, il a même passé la main sur la tête d'une journaliste d'une télévision privée qui avait essayé de lui poser une question sur le sujet, dans un geste machiste qui a suscité l'indignation des journalistes albanais.

Richard Grenell serait directement impliqué dans le projet de l'île de Sazan, qu'il a d'ailleurs justifié en expliquant à une télévision albanaise que « personne ne devrait jamais devoir s'excuser de vouloir gagner de l'argent ». La concession du futur hôtel serait confiée au groupe Aman, domicilié dans le canton de Zoug, en Suisse, propriété de l'oligarque russe Vladislav Doronin. En 2022, un ancien cadre du FBI, Charles McGonigal, avait été nommé chef de la sécurité du groupe Aman Resorts. Or, celui-ci a été condamné à 50 mois de prison en décembre 2023 pour avoir longtemps collaboré avec un autre oligarque russe, le « roi de l'aluminium » Oleg Deripaska. Et Charles McGonigal est aussi impliqué dans un scandale en Albanie, pour avoir touché 225 000 dollars pour faire du lobbying en faveur d'Edi Rama aux États-Unis.

Les projets de Jared Kushner unissent de nouveau Edi Rama et Aleksandar Vučić, que Richard Grenell avaient rapproché autour du projet Open Balkans, un espace régional de libre-échange soutenu par l'administration Trump, mais aussi autour de l'idée d'un partage du Kosovo et d'une redéfinition des frontières de la région, censée garantir la « stabilité » des Balkans. Il y a fort à parier que ce projet resurgira bien vite en cas de réélection de Donald Trump. Edi Rama et Aleksandar Vučić, en tout cas, ont gardé d'excellents canaux de communication, grâce à leur ami commun Richard Grenell.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.