Attentats du 13 Novembre : «Quand je regarde la mer, je me dis que Stéphane est là quelque part»

Maud Hache, 80 ans, a perdu son fils Stéphane le 13 novembre 2015. Il a été tué dans son appartement situé près du Bataclan, par une balle dont on sait désormais qu’elle a été tirée par les terroristes.

 Stéphane se trouvait dans un appartement proche du Bataclan quand une balle l’a touché mortellement dans le dos.
Stéphane se trouvait dans un appartement proche du Bataclan quand une balle l’a touché mortellement dans le dos. DR

    Un jour d'octobre dernier, Maud Hache est allée se recueillir dans le petit square près de l'entrée du Bataclan à Paris. Cette femme de 80 ans a déposé « un bouquet de roses et de marguerites, avec un mot et une photo de Stéphane » au pied de la plaque commémorative sur laquelle figure le nom de son fils unique. « Il n'était pas question de venir le 13 novembre, surtout pas. C'est une mauvaise date pour moi, et les autres, bien sûr. Je pleure encore souvent mon fils disparu », confie Maud, toujours sous antidépresseurs trois ans après les attentats qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés à Paris et Saint-Denis.

    Ce funeste vendredi 13 novembre 2015, Stéphane Hache n'était ni en terrasse d'un café ni au concert du Bataclan, ni au Stade de France. Le maître d'hôtel de 52 ans se trouvait dans un studio prêté par une amie, au 1er étage du 16, passage Saint-Pierre-Amelot dans le XIe arrondissement. La fenêtre de l'appartement, donnant sur la rue près de la sortie de secours de la salle de spectacles où trois djihadistes ont assassiné 89 personnes, était ouverte. Le corps sans vie de Stéphane sera découvert le lendemain par les pompiers alertés par des proches inquiets. Le quinquagénaire avait reçu une balle dans le dos. Tirée par les terroristes? Les forces d'intervention?

    Pendant de longs mois, les parents de Stéphane Hache, installés aux Sables-d'Olonne (Vendée), ont ignoré les circonstances de la mort de leur fils. L'enquête a fini par énoncer quelques certitudes. « Le projectile qui a blessé mortellement M. Hache a été tiré par les attaquants du Bataclan », conclut un rapport médico-balisitique notifié en mars 2017. La balle provenait, en effet, d'un fusil d'assaut AK KS bulgare utilisé par les terroristes. Les experts écartent le fait que le projectile qui a tué Stéphane soit celui qui percuté le mur de la fenêtre. En revanche, il n'est pas possible de savoir si le tir mortel à la « trajectoire directe » était délibéré.

    «J'espère qu'il ne s'est rendu compte de rien»

    « C'était important de le savoir », estime Maud Hache, « torturée » en pensant aux derniers instants de son fils. « C'est une chose qui me travaille, j'espère qu'il ne s'est rendu compte de rien », soupire-t-elle. Stéphane a succombé à une hémorragie interne aiguë thoracique. « A l'institut médico-légal, une dame m'a dit : Je peux vous affirmer qu'il n'a pas souffert », relate Maud en évoquant ces paroles apaisantes le jour douloureux où elle et son ex-mari ont vu le corps de leur seul enfant. « Il était derrière une vitre, nous n'avons pas pu approcher. On a pu le toucher, l'embrasser que plus tard, dans son cercueil. »

    Maud Hache dînait au restaurant Aux Sables quand le malheur est entré dans sa vie. « J'étais avec ma sœur, et j'ai reçu un appel. Une voix de femme, une policière, m'a dit que mon fils était décédé. C'était le dimanche d'après. » Il est une date qu'elle n'oubliera jamais : la dernière fois où elle a embrassé Stéphane. « Le 27 septembre 2015, le jour où il est reparti vivre à Paris. Après avoir travaillé un temps Aux Sables, il espérait trouver un poste chez un traiteur », ajoute Maud, avant d'évoquer ce fils que des proches surnommaient avec affection George Clooney en raison de sa prestance et de ses magnifiques cheveux poivre et sel. « C'est vrai, il était beau garçon, glisse Maud. Mon fils était quelqu'un de bien, intelligent, cultivé, plein de savoir-vivre, gentil avec tout le monde et apprécié de tous. »

    Une indemnisation au titre du préjudice d'affection

    Enfant de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Stéphane a fait son service militaire au ministère la Défense où il a servi Charles Hernu avant de poursuivre une carrière de maître d'hôtel. Travailleur, rigoureux, élégant. Un homme au grand cœur, un passionné de foot, un amateur de Frank Sinatra. La voix de Maud s'étrangle d'émotion : « Dès fois, quand je regarde la mer, je me dis que Stéphane est là quelque part ». Ses cendres ont été dispersées dans l'océan, dans un coin de Vendée qu'il adorait.

    Cette vie fauchée, comme 129 autres, certains devront en répondre devant la justice. Maud n'assistera pas au procès des terroristes et de leurs complices à Paris. « Cela remuerait le couteau dans la plaie et ne me ramènerait pas notre fils. Me Jean-Marc Descoubes me représentera. » L'avocat des parents de Stéphane Hache a obtenu pour chacun une indemnisation au titre du préjudice d'affection. Pour le préjudice d'angoisse, c'est plus compliqué. « On leur refuse au motif que M. Hache n'est pas mort au Bataclan, mais chez lui. C'est moralement inacceptable. Ses parents, informés des attentats, ont cherché à le joindre et sont restés dans l'attente et l'angoisse », estime Me Descoubes qui plaidera cet aspect du dossier le 4 décembre.