Route du Rhum : des Ultime, de la casse et des questions

Ils étaient les fleurons de la flotte de la Route du Rhum. Quatre de ces Ultime ont subi des avaries. Pas question toutefois, de remettre en cause leur développement dans un futur proche.

 Le multicoques Ultim de François Gabart, le 11 novembre à Pointe-à-Pitre.
Le multicoques Ultim de François Gabart, le 11 novembre à Pointe-à-Pitre. AFP/LOIC VENANCE

    Un safran et un foil en moins (Macif) - une avarie qui coûte la victoire à François Gabart -, un morceau d'un flotteur arraché (Rothschild), le bras avant endommagé (Sodebo), un flotteur qui se détache et qui entraîne le chavirage du trimaran (Banque Populaire)… Quatre des six Ultimes engagés ont subi de grosses avaries au début de la Route du Rhum. Ce qui forcément, pose questions.

    Etaient-ils vraiment prêts ? Si deux des 4 Ultime endommagés (Macif et Sodebo) ont déjà réussi un tour du monde, pour la première fois tous se retrouvaient sur la même ligne, en situation de course. « En format tentative de record, on attaque moins, on n'a aucun intérêt à pousser davantage le bateau si on est en difficulté. C'est différent lors d'une course, où on est bien obligé de subir une surenchère des concurrents », estime Franck Cammas, premier vainqueur de la Route du rhum sur un Ultime, en 2010.

    « Tant qu'on n'est pas passé par de la casse, on avance à tâtons »

    D'entrée, les conditions ont été compliquées, avec deux dépressions et des vents de 30 nœuds (55 km/h). « Des conditions difficiles, celles dans lesquelles les structures sont les plus éprouvées », précise Cammas. « Les skippeurs vont très vite, ils utilisent 100 % de la puissance du bateau, la coque centrale est à fleur d'eau, c'est à ce moment-là que la charge sur la structure est la plus grande », décrypte-t-il.

    Les nombreux entraînements n'ont pas suffi à valider les tests. « Les ingénieurs anticipent les charges, les bateaux sont conçus pour les supporter, mais imaginer les efforts, les chocs qu'ont ces bateaux, notamment dans les vagues, reste très compliqué, estime Franck Cammas. On met des coefficients de sécurité, calculés au feeling, en fonction, notamment, de l'histoire passée avec ces engins, or cette histoire est assez minime. » Autrement dit, les teams n'ont pas encore suffisamment de recul pour tomber juste. « C'est un sport mécanique. Tant qu'on n'a pas vécu ces situations, tant qu'on n'est pas passé par de la casse, on avance à tâtons », résume Cammas.

    « On est ans une rupture technologique totale avec des bateaux qui volent »

    Faut-il remettre en cause leur existence? « Je l'avais dit avant le départ de cette course, on est dans une rupture technologique totale avec des bateaux qui volent. On a travaillé sur la conception et on n'échappera pas à l'idée qu'il y aura des incidents qui nous amèneront à travailler sur les explications et à créer une courbe d'expérience destinée à fiabiliser ces bateaux », estime Patricia Brochard, présidente du Collectif Ultim 32/23. « On est dedans. On ne savait pas quand ça arriverait, mais cette phase était inévitable. »

    Les teams ont d'ores et déjà décidé de travailler collectivement. « On va tous se mettre autour de la table pour partager ce qui s'est passé, poursuit celle qui est également coprésidente de Sodebo, sponsor de Thomas Coville, qui a repris la course dimanche. Les architectes ont déjà échangé ensemble et nous allons poursuivre le dialogue. Notre objectif est d'apporter des solutions à ces plates-formes incroyables, de poursuivre leur développement. C'est notre intérêt à tous. »

    Reste à connaître l'état du maxi Banque Populaire, qui n'a pas encore été récupéré, et à l'expertiser pour déterminer le temps de réparation (ou de reconstruction). D'autant que l'échéance de Brest Océans, le tour du monde en solitaire sur ces Ultime, se profile.

    Prévu en décembre 2019, le départ pourrait-il être reporté ? « C'est encore trop, estime Patricia Brochard. Nous attendons que chaque team travaille pour envisager la suite pour sa plate-forme. En fonction de ça, on pourra se positionner pour l'avenir. On continuera à avancer collectivement pour qu'il y ait un programme qui tienne la route, avec des bateaux qui soient sécuritaires pour nos marins. On ne va pas être buté, mais on ne va pas se précipiter. On veut fiabiliser les bateaux et poursuivre notre programme de 4 ans. »