L'essayiste Laurent Alexandre, chirurgien urologue, énarque et entrepreneur.

Chirurgien, énarque, entrepreneur, Laurent Alexandre est aujourd'hui business angel.

B. LEVY

Quiconque aurait défendu, en 1990, un monde futur où se vendraient plusieurs milliards d'appareils photo et où chaque être humain ferait chaque année des milliers de vidéos et d'images à très haute définition qu'il partagerait aux quatre coins de la terre aurait été voué aux gémonies. La consommation de plastiques, de métaux, de sels d'argent et le transport des clichés vers des milliers d'amis auraient eu une empreinte écologique insupportable qui aurait condamné à mort la planète.

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Le coût d'une photo divisé par 10 000

La démocratisation, sur les cinq continents, de la photographie et de la vidéo était impensable. Il fallait que les souvenirs restent réservés à une élite occidentale, sauf à accepter un désastre écologique. Les écologistes pessimistes auraient proposé une taxe sur les photos et se seraient inquiétés de la perspective des centaines de millions d'appareils photo vendus en Afrique et en Asie. Certains auraient fait remarquer - avec des relents de paternalisme néocolonialiste - qu'il était irresponsable de généraliser le mode de vie occidental. Une fois encore, la fin du monde a été évitée grâce à la technologie.

Un appareil photo - l'optique de notre smartphone - pèse 5 grammes, il n'y a plus de pellicule, nous n'imprimons presque plus jamais les photos et leur transport se fait par les réseaux sociaux et non par avion postal. Il y a, bien sûr, une empreinte écologique liée au "cloud" où nous stockons et partageons nos clichés, mais elle est bien moindre que si nous les imprimions. Le coût complet d'une photo a été divisé par 10 000 en vingt ans : le stockage de 1 téraoctet - 1 000 milliards d'informations, c'est-à-dire 20 000 photos compressées - coûte 50 dollars et son prix baisse continuellement.

Une leçon d'écologie aux verts apocalyptiques

L'intelligence artificielle (IA) a si bien permis d'améliorer la qualité des clichés et vidéos malgré la miniaturisation des optiques que Claude Lelouch a décidé de tourner entièrement ses nouveaux films avec un portable. La Vertu de l'impondérable, dont l'idée est née du vol de l'un de ses scénarios, a été filmée avec un iPhone X. Le cinéaste explique dans Le Figaro à quel point cette technologie l'aide à pousser encore plus loin son art de capter la vie : "Vous savez, j'ai passé mon existence derrière des caméras que j'ai toujours trouvées lourdes, encombrantes. Lorsque est arrivé ce téléphone miraculeux avec des images sublimes, je me suis dit que c'était peut-être le moment de libérer totalement le scénario, les acteurs... D'aller encore plus loin dans l'émotion. Ce que je cherche depuis très longtemps au cinéma, c'est la spontanéité. Ce sont ces parfums de vérité qui étaient retardés par une technique très lourde. Quand j'ai découvert à quel point l'iPhone me permettait cette quête de vérité, je n'ai pas hésité à m'en servir. Je suis fou de joie, car je n'ai jamais été aussi loin dans ma façon de filmer. [...] Et je vous assure que l'on ne voit pas la différence. Mon rêve se réalise."

Avec un smartphone dopé à l'IA, l'empreinte écologique d'une prise de vue s'effondre et devient marginale. Cette dynamique technologico-écologique irrigue de nombreux secteurs économiques. L'IA fera économiser bien davantage d'électricité qu'elle n'en consomme. Claude Lelouch s'amuse : "Il faut que ce soit un vieux con comme moi qui filme au téléphone portable." En réalité, il donne une leçon d'écologie et de joie de vivre aux verts apocalyptiques et aux collapsologues. La technologie et les gamins enthousiastes de 80 ans comme lui sauveront la planète plus sûrement que la mise sous antidépresseurs de nos concitoyens désespérés par l'inéluctabilité de la catastrophe qui leur est promise. Merci M. Lelouch pour votre leçon de vie !

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