Tribune. Début octobre 2018, des lycéens dans la Somme ont refusé de lire des extraits du roman d’Akli Tadjer, Le Porteur de cartable (Jean-Claude Lattès, 2002), sous prétexte que l’auteur n’était pas français, que l’histoire ne concernait pas la France, que le livre comportait des mots arabes, que le héros s’appelait Messaoud… La professeure de français qui l’avait proposé à ses élèves a envoyé un mail à l’auteur franco-algérien, qui s’en est fait l’écho sur les réseaux sociaux. Le Courrier Picard en a fait sa « une » et, depuis, l’événement a été relayé par plusieurs publications nationales. Récemment, le député LRM des Landes Lionel Causse a demandé son inscription au programme du bac de français. Une visite d’Akli Tadjer au lycée a été programmée le 16 novembre, il en profitera pour faire découvrir aux élèves les tombes des soldats africains morts pour la France lors de la première guerre mondiale.
Cette parole raciste dans un lycée est grave et chacun des acteurs a réagi comme il le fallait en de pareilles circonstances. Il faut bien prendre conscience que c’est à la fois un cas rare et un cas banal. Un cas rare, car il a fallu un concours de circonstances exceptionnelles pour qu’elle devienne publique : une professeure qui dénonce les faits par écrit, un écrivain qui la relaie, un journaliste qui la reprend. Enfin, il a aussi fallu que Mme Macron, Picarde comme son mari, lise le Courrier Picard et s’en ouvre auprès du ministre de l’Education nationale.
En plus de dix ans d’interventions en milieu scolaire, j’ai été témoin de quelques scènes similaires, en particulier lors d’ateliers d’écriture sur le racisme
C’est aussi un cas banal de racisme ordinaire. En plus de dix ans d’interventions en milieu scolaire, j’ai été témoin de quelques scènes similaires, en particulier lors d’ateliers d’écriture sur le racisme. Je ne suis pas une exception : d’autres auteurs avec qui j’ai échangé ont eux aussi constaté ce genre de prises de parole virulentes, y compris de la part de publics très jeunes.
Le mouvement #metoo a contribué à soulever la chape de plomb autour de nombreux tabous de notre société. La prise de conscience que la parole citoyenne pouvait changer les choses a peut-être été un déclic conscient ou inconscient à tous les niveaux de la chaîne, ce qui a conduit à ce que cette information soit rendue publique. Avant, témoigner revenait à crier dans le désert. Sans les réseaux sociaux, cette affaire n’aurait eu pour seul écho que la salle des profs du lycée.
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