Au Moyen Age, c’était la taxe sur le sel, la gabelle, qui soulevait régulièrement les petites gens contre les élites des châteaux et des villes. Souvent rejoints par les commerçants et artisans, ils formaient des cortèges, brûlaient des demeures. Des accès de colère généralement réprimés dans le sang, qui étaient aussi ceux de la campagne contre les nantis des grandes villes. Avec les « gilets jaunes », c’est aussi La France périphérique, théorisée par le géographe Christophe Guilluy dans un essai publié en 2014 chez Flammarion, qui monte à la capitale avec ses doléances.
Elle n’a pas fini de faire entendre sa voix, cette France de la voiture obligatoire, des petits boulots, des pavillons éloignés, des petites villes désertées. A la recherche d’un logement abordable, elle s’éloigne toujours plus des bassins d’emploi, qui, eux, se concentrent à grande vitesse dans les métropoles.
Paradoxe
La désindustrialisation a largement dépeuplé les campagnes de ses sources d’emplois privés. Les usines aux champs étaient ancrées dans notre paysage rural. Pas les emplois de demain. C’est l’un des grands paradoxes de la nouvelle société dans laquelle nous entrons : la technologie rend toute chose virtuelle, exécutable à distance, mais jamais les hommes n’ont autant eu besoin de se concentrer dans de grandes agglomérations.
Témoin, à l’autre bout du monde, le choix surprenant annoncé, le 14 novembre, par Amazon de partager son deuxième siège social de 50 000 personnes entre New York et Washington, les deux plus grandes villes de la Côte est américaine. On ne prête qu’aux riches, dans le monde de la technologie américaine. Le 12 novembre, Google reconnaissait qu’il allait doubler ses effectifs à New York pour les porter à près de 15 000 personnes. En France, la seule région parisienne concentre entre 50 % et 60 % de toutes les start-up françaises.
Ségrégation sociale accrue
Les raisons sont les mêmes partout, l’écosystème des grandes villes est favorable aux échanges et aux rencontres, avec des étudiants, des indépendants, des financiers, des clients. Un bouillon de culture dont les acteurs de ce marché ont besoin, et pas seulement les plus jeunes pousses. Le marché de l’emploi est un autre facteur décisif quand les salariés recherchés, notamment dans le logiciel, ne se trouvent que chez les concurrents ou dans les universités. Or, ces emplois très demandés en attirent d’autres, de proximité : du médecin au ménage en passant par le commerce.
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