Mais qu’est-ce qui a bien pu lui passer par la tête ? A écouter Ismaele La Vardera, 25 ans à peine, raconter son étrange aventure, l’air si sage derrière son orange pressée, on ne peut s’empêcher d’avoir du mal à y croire. Rendez-vous avait été fixé à Rome, un samedi de novembre, dans un café tranquille des environs du Circo Massimo, situé au pied des studios du groupe Mediaset où il travaille. On a vu arriver un jeune homme blond-roux et bien coiffé, à l’allure plutôt sage, accompagné de sa fiancée, à qui il avait promis, après l’entretien, un après-midi de shopping. Bref, difficile de faire plus normal.
Pourtant, au-delà des sourires et de la décontraction, on a vite perçu chez ce jeune homme d’apparence si ordinaire une tension inquiète. Et très vite est arrivée cette confidence désarmante : « Je sais que je vais être attaqué très violemment. Je suis très croyant et, bien sûr, je ne me prends pas pour le Christ, mais peut-être que j’ai un peu le goût du martyre… » Le 26 novembre sort dans les salles italiennes Il Sindaco (« le maire »), un film-document racontant, à la première personne, la campagne électorale pour la mairie de Palerme dans laquelle La Vardera s’est lancé, début 2017, sous la bannière du centre-droit et avec l’alliance de plusieurs forces plus extrémistes. Un scrutin municipal qui a marqué l’effondrement du Parti démocrate quelques mois avant des élections générales aboutissant à une coalition entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue de Matteo Salvini, aujourd’hui au pouvoir.
Malgré son statut d’enfant du pays, La Vardera n’a pas vraiment fait des étincelles. On peut même parler de naufrage : le 11 juin 2017, avec 7 000 voix, soit un peu plus de 2,5% des suffrages, il n’a pas perturbé une seconde le parcours du maire sortant, Leoluca Orlando, soutenu par la gauche après une longue et sinueuse carrière politique, vers une énième réélection.
L’émoi d’un journaliste satirique
Mais ce n’est pas l’histoire de cette déconfiture qui fait la singularité d’Il Sindaco. Son prix tient à tout autre chose : sa campagne, La Vardera l’a filmée en caméra cachée, du début à la fin, à l’insu de tous ses interlocuteurs, révélant les coulisses peu reluisantes du milieu politique sicilien, en même temps que l’état désastreux du débat national.
« Attention, j’ai vraiment essayé de me faire élire, se défend le jeune homme, répondant par avance à ceux qui l’accusent de ne s’être présenté que dans le but de réaliser ce film. Je suis passionné de politique depuis toujours. A 18 ans, je m’étais présenté aux municipales dans ma ville d’origine, Villabate, en banlieue de Palerme. Là, j’avais été sollicité par plusieurs amis et des associations, après une intervention à la télévision où je m’en étais pris à la culture mafieuse en Sicile. Bref, j’étais sincère, je n’ai pas fait cette campagne dans le but de réaliser un film. Mais mes premiers rendez-vous étaient tellement hallucinants que j’ai décidé de tout filmer. Au début, je ne savais pas trop où j’allais. Et bientôt je me suis rendu compte qu’il y aurait un documentaire à faire. »
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