Gilets jaunes sur les Champs-Elysées : «On n’était pas là pour casser du policier»

Une vingtaine de manifestants des Champs-Elysées ont comparu, ce lundi, devant le tribunal correctionnel de Paris. Avec des profils bien éloignés de militants ultra.

    Un surveillant pénitentiaire, un conducteur d'engins de chantier, une ancienne employée de fastfood au chômage, un frontalier de Haute-Savoie, un électricien de La Rochelle (Charente-Maritime)… Pour cette poignée de Gilets jaunes, la manif de samedi à Paris s'est achevée en garde à vue. Interpellés dans la foulée des violents débordements sur les Champs-Elysées, ils étaient 21, dont beaucoup originaires de province, à être jugés, ce lundi, à Paris en comparution immédiate. La plupart ont demandé un délai pour préparer leur défense - ce que le tribunal leur a accordé, à la condition d'un contrôle judiciaire leur interdisant notamment de revenir fouler le pavé de la capitale. Ils seront jugés début janvier.

    Dans le box de la 24e chambre, ouverte spécialement, c'est un défilé de solides gaillards, plutôt jeunes, aux mines contrites. La plupart des prévenus se voient reprocher le délit de « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations » et, pour certains, avec armes. Ainsi, de Loïc, 40 ans, gardien de prison à Fresnes (Val-de-Marne), qui devra s'expliquer le 7 janvier sur les raisons pour lesquelles il arborait cagoule, lunettes de protection et portait un marteau. « J'ai manifesté pour défendre le service public », a-t-il tenu à dire avant que le tribunal ne renvoie son dossier.

    Venu de Sens (Yonne) avec des copains, Tony, 29 ans, en formation pour devenir courtier en assurances, arpentait les rues avec deux bombes lacrymogènes, un poing américain et un couteau. « En montant à Paris pour manifester, on s'est dit qu'il allait peut-être falloir se défendre. On n'était pas là pour agresser des policiers », assure-t-il. Lui, comme Antony, 26 ans, de Villepinte (Seine-Saint-Denis), père de deux enfants en formation pour devenir chauffeur de bus, expriment le même souhait : « Retourner travailler ».

    Un «conseiller financier» en Suisse

    Même tonalité avec Tiphaine, 26 ans, ancien charpentier depuis peu « conseiller financier » en Suisse, qui lui veut être jugé tout de suite. Ses revenus – 8 000 € - contrastent avec ceux annoncés par les autres – de petits salaires ou le RSA. Son Opinel ? « Je m'en sers tous les jours pour mon casse-croûte. » La matraque de police dans son sac ? « Je l'ai ramassée par terre pour faire un souvenir. » Il insiste : « On n'était pas contents contre le gouvernement. On est monté à Paris. On n'était pas là pour casser du policier ! »

    La procureure rappelle « les scènes apocalyptiques » et autres « violences inadmissibles » de samedi. Les avocats de la défense protestent d'une « confusion » destinée à « faire payer ce qui s'est passé à ceux qu'on a attrapés. » « Les casseurs, vous ne les trouverez pas là », souligne l'un d'eux.

    VIDÉO. Gilets jaunes : 27 personnes en comparution immédiate

    Des trois premiers prévenus jugés dans l'après-midi, seul Tony l'électricien, 22 ans, est condamné pour « participation à un groupement » en raison de l'attirail retrouvé sur lui (gants, cagoule…) et pour recel de vol – des bouteilles de parfum. Lui assure qu'il venait « filmer » comme il l'avait fait à Notre-Dame-des-Landes. Il a écopé de 70 heures de travail d'intérêt général. Tiphaine et Antony, 32 ans, lui aussi amateur de souvenir - un pavé a été retrouvé dans son sac — et porteur d'un couteau ont été condamnés à trois mois et deux mois de prison avec sursis. « Des peines d'avertissement », a souligné la présidente.

    Sur les 23 personnes qui étaient encore en garde à vue lundi en fin d'après-midi, six d'entre elles ont bénéficié d'un classement sans suite. Seize autres devaient être déférées dans la soirée, selon le parquet de Paris. L'homme soupçonné d'avoir « gravement blessé à l'oeil » un policier « par un jet d'écrous » va également être déféré en vue de sa présentation à un juge d'instruction dans le cadre d'une information judiciaire ouverte mardi matin.