C’était en 1997. La première femme avait 38 ans quand on lui a diagnostiqué un cancer rare touchant les ganglions lymphatiques, appelé lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC). A ce jour, elles sont 615 atteintes dans le monde, dont 56 en France, selon Corinne Haioun, professeure d’hématologie à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, la responsable du registre des cas de lymphome en France. Toutes, ou presque, ont pour point commun d’avoir porté des implants mammaires dits « texturés », dont la surface granuleuse a été conçue pour mieux adhérer aux tissus. Un « effet Velcro » qui entraîne des réactions inflammatoires.
Le soupçon d’un lien entre les implants texturés des prothèses et cette pathologie plane depuis 2008, mais deux études publiées en septembre l’attestent sans ambiguïté.
Le 21 novembre, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié un message de prudence, conseillant aux chirurgiens « d’utiliser de préférence des implants mammaires à enveloppe lisse », en attendant de prendre une décision finale début 2019. Le lendemain, la société savante des chirurgiens plasticiens, qui préférait jusqu’alors « ne pas inquiéter inutilement la population », a également recommandé de ne plus poser d’implants macro-texturés Biocell du laboratoire Allergan, ceux qui dominent le marché, « en raison de [leur] surreprésentation » dans les cas de LAGC.
Des chirurgiens, alertés par les effets indésirables, avaient pris les devants et banni ces prothèses depuis des années : ce sont en effet les implants mammaires qui occasionnent le plus de signalements d’incidents en France.
Pour Agnès Buzyn, la ministre de la santé, il était jusqu’ici difficile de « mettre en évidence statistiquement » ce lien. Ce n’est pas la première fois que la longue histoire des implants mammaires révèle l’incapacité des autorités à détecter des problèmes, et à évaluer leur ampleur. Elles ne sont pas en mesure de dire aujourd’hui, parmi les 400 000 à 500 000 femmes porteuses d’implants mammaires en France, combien sont concernées. Le ministère parle d’au moins 340 000 prothèses texturées, mais il est impossible de le vérifier.
Prothèses frauduleuses
Faute d’un registre national, dont la création est pourtant discutée depuis 2013, il est encore plus difficile de savoir qui porte la « Biocell », le modèle le plus problématique.
En 2010 déjà, au moment de l’« affaire PIP », les autorités sanitaires n’étaient pas en mesure d’identifier toutes les patientes concernées par ces prothèses frauduleuses, remplies d’un gel de silicone dangereux, théoriquement réservé à un usage industriel. Annoncée en grande pompe en 2016, la création de ce registre est toujours suspendue à une décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
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