(g-d): Laeticia Hallyday, ses filles Jade et Joy, Laura Smet et David Hallyday lors des funérailles du chanteur Johnny Hallyday, le 9 décembre 2017 à Paris

Laeticia Hallyday, ses filles Jade et Joy, Laura Smet et David Hallyday lors des funérailles du chanteur Johnny Hallyday, le 9 décembre 2017 à Paris

afp.com/Yoan VALAT

La guerre judiciaire se poursuit avec l'ouverture d'un troisième front, à Paris cette fois, après les assignations déposées en février à Nanterre (Hauts-de-Seine) et en juillet en Californie. Cette fois, c'est une procédure en urgence, dite en référés, où Laura et David Smet demandent le gel de 75% des redevances générées par les albums de leur père Johnny Hallyday, notamment le dernier qui remporte un franc succès dans les bacs. Le 13 avril, ils avaient déjà obtenu le gel de la succession sur le sol français, notamment les villas de Marne-La Coquette (Hauts-de-Seine) et de Saint-Barthélemy (Outre-Mer).

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Ecoutez Anne Vidalie et François Koch nous raconter leur enquête, il y a quelques mois, sur la famille de Laeticia Hallyday, les Boudou, à l'heure ou sa veuve dispute une partie de l'héritage de Johnny à ses enfants (sur SoundCloud).

Dans la salle d'audience flambant neuve du gigantesque palais de verre parisien, la folie médiatique est nettement retombée, en comparaison des rendez-vous judiciaires de mars dernier. Les parties ne doivent plus se frayer un chemin au milieu d'une forêt de caméras, de micros et d'appareils photos. Et la douzaine d'avocats ont plaidé avec une certaine modération évitant les dérapages agressifs, outrageants ou désobligeants.

TGI Paris 27 nov Hallyday

Au Tribunal de Paris, salle des référés, avant le début de l'audience

© / FK

Coup de théâtre: le trustee démissionne

Au fond, le désaccord demeure entier entre les deux camps, Laeticia Hallyday d'un côté, David et Laura Smet de l'autre. Ses deux aînés contestent le dernier testament de leur père qui les déshérite totalement, en utilisant la loi américaine, puisque, en France, ce n'est pas possible.

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Pour y parvenir, le chanteur a constitué un trust américain, le "JPS" trust, destiné à recueillir tout son patrimoine et ses revenus à venir, au bénéfice de Laeticia, et accessoirement de ses deux filles. Selon une architecture complexe propre aux règles américaines, la veuve du chanteur a nommé un "protecteur", qui a lui-même désigné un "trustee", pour une mission de gestion. Or, véritable coup de théâtre, six jours avant cette audience du 27 novembre, la Bank of America a démissionné de ses fonctions de trustee, sans motif annoncé. De là à soupçonner une manoeuvre dilatoire, les conseils de David et Laura hésitent à user de cet argument. Mais y pensent fortement.

La dissimulation du testament comme justification

"La Bank of America, trustee même démissionnaire, a toujours pour rôle de collecter les loyers des biens immobiliers et les autres revenus, donc elle pourrait demander à recevoir les redevances sur les ventes de disques", plaide Me Emmanuel Ravanas, pour Laura Smet, à un rythme d'enfer. D'où sa demande de gel de 75% de ce que pourraient verser les maisons de disques Warner, Universal et Sony.

Pour porter une telle mesure conservatoire en référés, il faut justifier d'une urgence, d'un dommage imminent. Les avocats de Laura et David Smet soutiennent qu'en février 2018, lorsqu'ils ont saisi la justice pour la première fois à Nanterre, ils n'avaient pas connaissance du contenu du dernier testament, révélé ensuite par la presse. Leurs craintes sur le verrouillage des biens de l'héritage se sont renforcées alors que le trustee a été désigné en Californie, en juillet. Les arguments sont ciselés, mais portés avec beaucoup moins de fougue qu'au début du printemps dernier, comme s'il fallait éviter d'insulter l'avenir et les opportunités de négociations.

"Ils agissent, car l'album posthume a du succès"

"Toute action doit être dirigée à l'encontre du trustee, mais il a démissionné", réplique Me Arnaud Albou, conseil de Laeticia, Jade et Joy, mais aussi de la société américaine Bornrocker, créée quelques années avant la mort du chanteur pour recueillir les avances des maisons de disques. "Pourquoi cette nouvelle procédure ? Parce que l'album posthume de leur père connaît un grand succès, alors qu'ils ont échoué dans leur demande de droit de regard avant la commercialisation." L'avocat de la veuve de Johnny conteste l'application de la loi française, mais observe que si elle s'appliquait, David et Laura ne pourraient pas prétendre à 75% de l'héritage mais seulement à 37,5%, la même proportion revenant aussi à leurs deux soeurs Jade et Joy.

Sur la suprématie de la loi française, l'avocat de Laura Smet n'a fait qu'une saillie en citant malicieusement un extrait de l'interview de Laeticia au Point : "En épousant Johnny, j'ai épousé la France." De quoi embarrasser les avocats de la veuve du chanteur, car cette déclaration affaiblit leur position, eux qui soutiennent que Johnny était devenu un pur résidant américain. Du côté de David Hallyday, son conseil Me Carine Piccio a reproché à son adversaire de manquer de transparence : "Deux biens immobiliers ont été dissimulés à Saint-Barth, Laeticia Smet détient la moitié d'un patrimoine immobilier de plusieurs dizaines de millions d'euros."

Très en retrait des joutes entre les deux camps principaux, les trois maisons de disques Warner, Universal et Sony affirment qu'elles n'avaient pas l'intention de débloquer le versement de redevances avant la liquidation de la succession. Ce qui pourrait durer des années. Manifestement, pour Laura et David, ces engagements, même devant des juges, ne suffisent pas. Ils attendent une ordonnance contraignante du tribunal. Décision le 18 décembre.

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