Numéro un, Medtronic l’est dans de nombreux domaines. Leader mondial du dispositif médical, la multinationale américaine vend des valves cardiaques et des pompes à insuline, des boîtiers de stimulation cérébrale profonde (deep brain stimulation) pour traiter la maladie de Parkinson et des pacemakers sans fil qui ressemblent à des grappins pour Playmobil. Des produits qui « améliorent la vie de plus de deux personnes chaque seconde », assure son slogan, et qui lui ont permis de doubler son chiffre d’affaires en dix ans pour atteindre 23 milliards d’euros en 2018. Dans ce secteur qui pèse près de 300 milliards d’euros, la firme est talonnée par Johnson & Johnson et GE Healthcare.
Une petite partie de ces revenus a été entamée par les nombreux procès intentés contre le fabricant : Medtronic a dû mettre de côté plus de 5 milliards d’euros en frais juridiques, ces dix dernières années, notamment pour des accords avec 20 000 patients. La firme est en effet numéro un des incidents liés à des dispositifs médicaux, d’après la base de données publiques de l’Agence de santé américaine (Food and Drug Administration, FDA). D’après les estimations dans cette base du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), les dispositifs de Medtronic ont causé près de 200 000 incidents de 2007 à 2018.
D’après une analyse réalisée par Le Monde à partir de la base Cordis (programmes cadres européens) et de la base TED (appels d’offres publiés dans le journal officiel européen), Medtronic a aussi profité des deniers publics. Avec près de 8 millions d’euros de subventions pour 14 projets entre 2011 et 2021, le fabricant est le premier bénéficiaire des financements de recherche de l’Union européenne. Rien que pour la France, Medtronic a remporté 573 millions d’euros dans des appels d’offres émis par des hôpitaux publics de 2011 à 2018. Pour cela, il faut savoir entretenir ses réseaux.
Cercles du pouvoir
Medtronic s’est d’abord penché sur le corps médical. C’est le fabricant qui dépense le plus d’argent en France pour les professionnels de santé, selon les informations de la base publique Transparence santé corrigées par le collectif EuroForDocs. Soit près de 20 millions d’euros depuis janvier 2012 en repas, hébergements, interventions dans des congrès et autres contrats de mission.
Vers les cercles du pouvoir, ensuite. Medtronic domine les organisations chargées du lobbying auprès des pouvoirs publics. Au niveau européen, c’est un ancien de Medtronic, Serge Bernasconi, qui pilote Medtech Europe, une organisation qui a joué un rôle-clé dans la bataille contre la refonte de la réglementation du secteur par Bruxelles. La présidente de Medtronic France, Laurence Comte-Arassus, est aussi vice-présidente du syndicat national de l’industrie des technologies médicales. Et Medtronic est encore membre de l’Association pour la promotion de l’innovation des dispositifs médicaux (Apidim), un club très privé qui défend les intérêts des firmes américaines en France.
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