On est à quelques encablures de l’arrivée… Macif de François Gabart commence à doubler Idec de Francis Joyon… Ils sont au coude-à-coude… Gabart prend l’avantage… Et… Mais qu’est-ce que fait Joyon ? Il vire brusquement à tribord… Mais il se trompe de route ou quoi ??? Non !!! C’est un virement d’anthologie… Il a pris Gabart à l’intérieur !!!! Qui est obligé de contourner des rochers pour rejoindre la ligne ! C’est gagné !!!! » Alors, non, ce n’est pas Léon Zitrone qui commente l’arrivée du tiercé, mais Patrice Lafargue qui n’en revient toujours pas d’avoir assisté le 12 novembre, sur son Zodiac, quasiment à touche-touche avec le vainqueur, à l’arrivée à couper le souffle, et en pleine nuit, de la dernière Route du rhum.
« Non, Francis n’est pas du genre à penser à la retraite. On va participer à des courses en mer en Asie. IDEC Sport va se développer à l’international. » Patrice Lafargue
Patrice Lafargue n’est pas un des patrons français les plus connus, mais ça pourrait bien changer. Il dirige le groupe IDEC, la marque un peu mystérieuse inscrite en très gros sur le bateau de Francis Joyon. La victoire du navigateur récompense une amitié et un partenariat de seize années. Après quelques jours à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) à « pas mal arroser la victoire avec Joyon et les amis », Patrice Lafargue est revenu à ses affaires, à Paris.
Son entreprise n’a rien à voir avec les ciments Lafarge mais est spécialisée dans la construction d’usines et l’aménagement de parcs d’activités. Elle s’est aussi diversifiée dans le sponsoring sportif, et vient de se lancer dans la promotion immobilière. « Moi-même, je peux m’y perdre un peu », avoue le dirigeant. En 2000, quand IDEC, une TPE de cinq salariés, pique dangereusement de la proue, Lafargue, simple salarié, la reprend et écope les comptes. Aujourd’hui, sa société pèse 410 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 330 salariés. « Patrice se situe dans la catégorie “entrepreneur atypique”, raconte Pierre Blayau, ancien patron de Moulinex et du Paris-Saint-Germain, à la retraite, et consultant auprès de Lafargue. Moi, je suis bac + 12 et Patrice a un DUT. Ce n’est pas un techno, et il a un sens de la compétition globale. Mais de manière toujours raisonnable. Son investissement dans le sport ne dépasse pas 1 % de son chiffre d’affaires. Cette victoire va être un énorme vecteur de reconnaissance. »
Lafargue est aussi un sportif motivé qui a couru deux fois – mais dans une automobile – les 24 Heures du Mans, « Je suis originaire de Nevers, où il n’y a pas la mer, précise-t-il. Donc, la voile m’était totalement étrangère. Sauf que j’ai rencontré Francis Joyon, mon opposé, et que, depuis, on ne se quitte plus. » Voilà pour les faits saillants d’une biographie qu’il ne compte pas mettre plus en avant.
C’est plutôt une autre histoire d’hommes qui lui vient à l’esprit : « La première fois que j’ai sponsorisé Joyon, c’était pour la Route du rhum 2002. J’étais un petit sponsor et mon logo était mal placé, tout en bas de la coque. Il y a eu beaucoup de casse cette année-là et le bateau de Francis a chaviré. C’est passé au “20 heures” de Claire Chazal et comme le trimaran était retourné, le logo IDEC s’est très bien vu. » Ça valait donc le coup. « Deux ans plus tard, Francis a besoin d’un nouveau bateau, mais ses partenaires principaux ne veulent plus suivre. On a racheté un bateau à Olivier de Kersauson en bouffant toute la trésorerie d’IDEC. »
Mais le bateau est « assez moche », raconte Lafargue. L’entrepreneur demande de le repeindre en rouge, la couleur de son logo. Joyon et son frère repeignent les coques au rouleau. Depuis, il a battu plusieurs records maritimes, dont celui du tour du monde en équipage, et Patrice Lafargue a découvert les vertus du sponsoring sportif. Joyon a 62 ans, mais l’aventure n’est pas terminée. « Non, Francis n’est pas du genre à penser à la retraite, conclut Patrice Lafargue. On va participer à des courses en mer en Asie. IDEC Sport va se développer à l’international. » L’entrepreneur s’envole d’ailleurs dans quelques heures pour Hongkong, pour les affaires. Ça devrait valoir le coup.
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