Ils se sont toisés pendant deux heures, ce 21 novembre, sous les ors défraîchis de l’hôtel de Marigny, à deux pas du palais de l’Elysée. D’un côté, François Baroin et la vingtaine de membres du bureau de l’Association des maires de France (AMF), qu’il préside. De l’autre, Emmanuel Macron, son premier ministre, Edouard Philippe, et les ministres chargés des collectivités territoriales, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu. Ambiance glaciale au menu. Entre Baroin et Macron, la méfiance succède à la défiance, et réciproquement. Le maire de Troyes n’arrive pas à interpréter la « nouvelle grammaire » de l’exécutif, qu’il qualifie de « populisme officiel ». Le chef de l’Etat, lui, soupçonne son interlocuteur, qui campe sur des positions intransigeantes, de se servir de son rôle de porte-parole des communes de France pour nourrir des arrière-pensées politiques. Le congrès de l’AMF, qui s’est clos jeudi 22 novembre après quatre jours de débats, n’aura pas apaisé les tensions.
« Non, je l’ai dit, je ne suis pas dans le jeu politique, affirme pourtant au Monde François Baroin, niant avoir des visées nationales à titre personnel. J’ai des responsabilités, un mandat jusqu’en 2020, je les assume. Maintenant, les circonstances, on ne sait jamais… Mais je ne suis pas dans cet état d’esprit. » Depuis des mois, l’ancien ministre de 53 ans dénonce, avec ses compères Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France, et Hervé Morin, président de Régions de France, la « recentralisation » de l’exécutif.
« En réserve de la République »
Le maire de Troyes avance sur une ligne de crête. En tant que patron de l’organisation, il doit tenir des positions fermes contre le pouvoir central et en même temps se garder de basculer dans une opposition systématique. L’AMF est pluraliste et regroupe des élus de toutes sensibilités, qui ne lui pardonneraient pas de transformer l’association en rampe de lancement électorale.
Cette position offre en tout cas une seconde jeunesse au chiraquien. En juin 2017, au sortir de la défaite historique du parti Les Républicains (LR) aux élections législatives – une campagne qu’il avait menée –, l’ancien ministre avait pris du champ avec la politique nationale pour laisser la place, disait-il, à « une nouvelle génération ». La victoire éclair du novice Macron ébranlait les certitudes de l’éternel jeune premier de la droite, qui s’était répété pendant des années le mot de Chirac : « Il faut trente ans pour faire un président de la République. »
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