Interdiction de la fessée : l'Assemblée relance un débat sensible

Une proposition de loi est présentée jeudi soir devant les députés par plusieurs élus pour demander un « état des lieux » sur les violences dites éducatives.

Source AFP

La loi proposée vise à faire, rapidement, un état des lieux des violences dites éducatives en vigueur en France.

La loi proposée vise à faire, rapidement, un état des lieux des violences dites éducatives en vigueur en France.

© LOIC VENANCE / AFP

Temps de lecture : 4 min

La fessée va-t-elle devenir une bonne fois pour toutes tabou et interdite en France ? La question a le mérite d'être posée, d'autant qu'elle revient souvent dans le débat public et qu'elle traite du dossier sensible des violences dites éducatives. Une catégorie dans laquelle peuvent être également rangées les tapes et les gifles. Jeudi, elle fera débat à l'Assemblée nationale, entre des opposants aux « violences éducatives ordinaires » et des partisans souhaitant que les parents gardent une certaine liberté. Le MoDem, soutenu par le gouvernement, LREM et des élus d'autres groupes, présente dans la soirée une proposition de loi de portée largement symbolique, mais qui relance une controverse toujours vive sur les châtiments corporels en France, où le proverbe « qui aime bien châtie bien » a toujours ses partisans.

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Selon la Fondation pour l'enfance, 85 % des parents français ont recours à des violences dites éducatives. La proposition MoDem réclame au gouvernement un « état des lieux » sur le sujet avant septembre 2019. Les tenants de l'interdiction mettent notamment en avant, études à l'appui, les conséquences sur la santé physique et mentale des enfants. Examiné en première lecture, le texte ne prévoit pas de nouvelles sanctions pénales, car elles existent déjà, et a une « visée pédagogique », de l'aveu même de la rapporteuse centriste Maud Petit. Il s'agit d'inscrire dans le Code civil, à l'article lu lors des mariages, que « les titulaires de l'autorité parentale l'exercent sans violence » et qu'« ils ne doivent pas user à l'encontre de l'enfant de moyens tels que la violence physique, verbale ou psychologique, les châtiments corporels ou l'humiliation ».

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Il s'agit, a expliqué la rapporteuse, de « mettre un terme définitif à la possibilité pour les juges de reconnaître un droit de correction hérité du XIXe siècle qui n'a pourtant aucune existence en droit pénal ». L'interdiction formelle permettrait également à la France d'être « en conformité avec les traités internationaux », alors que le pays a été épinglé à plusieurs reprises sur ce sujet, par le Conseil de l'Europe en 2015 ou le Comité des droits de l'enfant de l'ONU l'année suivante. La France deviendrait ainsi le 55e État à interdire totalement les châtiments corporels, selon l'Initiative mondiale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels sur les enfants, une ONG basée à Londres. La Suède avait légiféré sur le sujet dès 1979.

Interdiction nécessaire ou « ingérence » dans la vie des familles ?

Ce n'est pas la première tentative : après plusieurs textes inaboutis, la mesure avait été inscrite dans la loi égalité et citoyenneté, mais avait été censurée en janvier 2017 au motif qu'il s'agissait d'un « cavalier législatif », c'est-à-dire d'une disposition sans rapport avec l'objet du projet de loi. Outre le soutien du gouvernement, le texte MoDem a l'appui de différentes organisations (Fondation pour l'enfance, association StopVEO...) ou du Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui a défendu « un signal politique fort » afin de changer les mentalités. Mais dès les débats en commission, des élus de droite et d'extrême droite ont dénoncé une « ingérence » dans la vie des familles et l'« ineptie » de la proposition, voire son « ridicule ».

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Julien Dive (LR) a aussi pointé « l'ironie de l'histoire » de voir ce texte porté par un parti dont le président, François Bayrou, avait giflé un enfant pendant la campagne présidentielle de 2002. La rapporteuse lui a rétorqué que cet enfant, qui avait tenté de faire les poches du leader centriste, était « devenu délinquant ». « Donc CQFD, au MoDem, nous avons testé la gifle, nous avons constaté que ça ne marche pas ! » avait-elle lancé dans un « clin d'œil ». Reste que pour Jean-Christophe Lagarde (UDI-Agir), la proposition sera « vide d'effet, sinon vide de sens ». Elle sera « très médiatiquement ressentie et sur le terrain et dans la vie sans effets réels ». En face, le patron du groupe MoDem Patrick Mignola se dit « stupéfait que ce sujet soit aujourd'hui encore à ce point caricaturé ». « À tous ceux qui voudraient ironiser sur le sujet, je les renvoie à ce qu'étaient les violences faites aux femmes il y a une décennie qui étaient accueillies avec les mêmes sourires narquois. »

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Commentaires (22)

  • atmos77

    Nos élus vont prochainement plancher sur une Loï qui obligera les abeilles à ne voler que dans le sens des aiguilles d'une montre pour éviter les accidents.

  • tara tata

    La maltraitance des personnes âgées dans les maisons de retraite mériterait plus d'attention !
    La bêtise de ce gouvernement est sans limite. ...

  • mayen

    Vous avez raison, il nous faut un grenelle et une commission "fessée"